C'est un exemple emblématique de l'impasse dans laquelle se trouve le service de santé des armées (SSA). La Cour des comptes dénonce « le mauvais état des infrastructures de l'hôpital (d’instruction des Armées) Laveran à Marseille » – dont le projet de rénovation pourtant décidé depuis 2008 n'est toujours pas finalisé. À la suite de cet échec, la Cour recommande de construire un hôpital neuf. En juin 2023, le président de la République avait mis la pression sur les acteurs locaux en annonçant sa « reconstruction rapide ».
Méconnu, le service de santé des armées (SSA) – qui emploie pourtant près de 15 000 militaires et civils et dispose d'un budget de 1,6 milliard d'euros dont le tiers provient des attributions de produits de la Sécu – n'est pas épargné par la crise hospitalière. Entre 2009 et 2019, les hôpitaux militaires ont fortement réduit leur voilure. Ils ont fermé un établissement emblématique, le Val de Grâce, et ont supprimé 1 138 lits sur l'ensemble du parc, ce qui représente une diminution de 42 % de l'offre, détaille la Cour des comptes dans un rapport. Les hôpitaux militaires de Brest, Metz, Lyon et Bordeaux ont subi la plus forte diminution du nombre de lits, pouvant aller jusqu'à une baisse de 81 % pour l'hôpital Robert-Picqué de Bordeaux.
Le SSA demeure néanmoins un service centralisé, disposant de l’ensemble de l’offre médicale à travers ses cinq composantes : la médecine hospitalière avec ses huit hôpitaux d’instruction des armées (HIA) en 2021, la médecine des forces, le ravitaillement médical, la recherche et la formation. De nouvelles évolutions majeures sont prévues au titre de « l’Ambition SSA 2030 », notamment l’évolution de la médecine hospitalière vers un format qui devrait compter à terme cinq hôpitaux militaires densifiés, aptes à répondre à l’essentiel des missions des armées.
Le SSA ne maîtrise pas ses ressources
Mais le secteur est confronté à des difficultés majeures en matière de ressources humaines, d'organisation et de pilotage. En cause, l'absence d'autonomie fonctionnelle du SSA, tributaire pour ses recrutements des procédures lourdes gérées au niveau de la DRH du ministère des Armées. Les hôpitaux militaires se retrouvent en concurrence défavorable avec les hôpitaux civils pour recruter certaines catégories de personnels, y compris en matière de rémunération. Ces dernières, plus basses, n'ont pas bénéficié complètement de l'effet des mesures Ségur.
« Le SSA ne maîtrise pas les ressources financières dont il dispose », ajoute la Cour. Côté recettes, près du tiers de son budget provient des attributions de produits liées aux soins réalisés au profit de la patientèle civile. Côté dépenses, il dépend, pour la gestion de la masse salariale et des investissements dans les infrastructures, d’autres entités du ministère des Armées. Quant aux hôpitaux militaires, ils ne sont pas rémunérés pour leurs missions les plus importantes (capacité à générer les équipes chirurgicales, maintien de capacités hospitalières lourdes etc.), donnant à tort l’impression de n’être pas rentables, en raison des déficits de gestion auxquels les expose cette absence de couverture des services structurels qu’ils rendent aux armées.
Panne d'attractivité
In fine, il en résulte des « problèmes majeurs d'attractivité et de fidélisation des personnels » aussi bien dans certaines spécialités médicales que pour les métiers paramédicaux. En témoigne sur la période 2018-2022 la diminution de 12 % des candidatures à l'École de santé des armées et la baisse de 54 % sur la même période de celles de l'École du personnel paramédical des armées.
Cette panne d'attractivité est en partie imputable à l'augmentation des places offertes durant cette période dans le système de santé civil. La conséquence est catastrophique : à l'École de santé des armées qui forme les médecins et les pharmaciens, le taux d'attrition en cours de scolarité atteint 30 à 40 % du total des étudiants. De surcroît, alors qu’elle constitue un levier potentiel pour donner du sens à un parcours professionnel au sein du SSA, la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences est « lacunaire ».
Ces difficultés sont dues notamment à des crédits budgétaires en baisse constante de 2012 à 2017 (puis repartis à la hausse jusqu'en 2021). La raison principale en est la diminution importante des remboursements Sécu relatifs à la patientèle civile – passant de 517 à seulement 428 millions d'euros (un tiers environ du total du budget).
Investissements en souffrance
En matière d'investissement, les crédits d'infrastructure – qui ont connu une évolution contrastée – se sont toujours situés à un niveau toujours « insuffisant » pour financer des investissements lourds, comme la reconstruction d'hôpitaux militaires. Hormis 2016, année d'exception, la somme attribuée chaque année n'a jamais dépassé 20 millions d'euros entre 2012 et 2019, se situant même parfois à des niveaux très bas (10,9 millions en 2018). Pour autant, depuis 2019, ces crédits repartent à la hausse, atteignant 38,2 millions en 2022.
Les recos de la Cour vont dans le sens de l'autonomisation et du renforcement du SSA, permettant de projeter des soignants militaires au plus près des combats, y compris des moyens hospitaliers, mais aussi dans des crises sanitaires (comme le Covid) ou des catastrophes naturelles. Les Sages appellent le secteur à « se transformer dans le cadre de l'ambition stratégique SSA 2030 pour permettre la densification de cinq hôpitaux d'instruction des armées ».
Plusieurs pistes visent aussi une meilleure coordination entre le civil et le militaire et un investissement « indispensable » dans les RH. Les sages préconisent surtout « une meilleure maîtrise par les hôpitaux militaires des moyens essentiels à leurs missions ». Pour y arriver, le SSA devrait changer de statut et devenir l'établissement public. La réflexion est engagée par le ministère des Armées.
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