Vous êtes la nouvelle présidente de MG France. Comment s’est passée votre élection ? Le bureau de votre syndicat a démissionné avec six mois d’avance sur le calendrier.
Dr Agnès Giannotti : Avec les négociations conventionnelles qui arrivent, les départs à la retraite programmés de nos deux collègues (les Drs Jacques Battistoni et Jean-Louis Bensoussan, respectivement ex-président et secrétaire général, ndlr) ont rendu ce moment-là plus logique. Ce qui nous a poussés à anticiper de six mois les élections, pour des raisons de calendrier. Ce n’est pas une prise de pouvoir ! À l’image d’une équipe de football, il doit y avoir un capitaine… Dans le groupe, après des séminaires, il s’est dessiné que ce serait moi. Et cela a été entériné par le vote de l’assemblée générale dimanche 26 juin. Particularité de MG France, nous sommes réélus chaque année – ce qui n’est pas le cas des autres syndicats !
Lors de ce congrès, vous avez évoqué, devant Marguerite Cazeneuve, directrice déléguée de la Cnam, souhaiter une prise en charge à 100 % des soins de médecine générale par l’Assurance maladie. Quelles sont vos priorités pour votre mandat ?
Dr A. G. : C’est une vieille revendication du syndicat ! En premier lieu, les vaccins obligatoires. S’ils sont en 100 % assurance maladie obligatoire (AMO), cela nous permet de les avoir dans nos frigos, comme ce fut le cas avec les vaccins anti-Covid et, donc, in fine, améliorer la couverture vaccinale de la population. Il est important d’avoir les vaccins dans notre frigo, car, ainsi, lorsque les gens sont devant nous, si l’on s’aperçoit d’un retard, nous pouvons directement les vacciner. La part mutuelle complique les choses sur ce sujet. C’est un outil de prévention intéressant pour aider le généraliste à assumer cette action.
C’est aussi l’occasion de rappeler que, pour MG France, l’accès aux soins financier et les inégalités sociales de santé restent des sujets essentiels. À l’instar de l’accès territorial de la population aux généralistes. Il faut donc outiller la profession pour qu’elle soit en capacité d’affronter l’avenir. Et, plus globalement, le système de santé en lui-même. Mais, en tant que généralistes, nous sommes l’ossature de ce système. Si les jeunes n’entrent plus dans la profession, que les anciens partent à la retraite et que ceux du milieu sont en burn-out et finissent par partir aussi… tout s’écroule ! Il faut renforcer l’attractivité de la profession de généraliste, pour être à égalité, en termes d’avantages, avec les spécialistes. Et surtout aider ceux qui sont en activité à tenir le coup ; en leur permettant de travailler avec des collaborateurs ou en leur offrant la possibilité d’avoir un assistant médical dans leur cabinet. Ce qui leur permettra d’accueillir plus de patients, sans travailler plus ! Nous aurons besoin des élus locaux – départements, maires – pour obtenir des plus grands locaux et accueillir les étudiants, assistants, infirmiers etc. Si nous n’avons pas de place, nous ne pouvons pas mettre cela en route. La négociation conventionnelle doit proposer une grande enveloppe ! Nous ne pouvons pas faire une révolution des soins primaire sans financement. Pour que l’ensemble du dispositif change et tienne debout.
Vous êtes installée depuis 32 ans dans un quartier populaire du nord de la capitale. Pourquoi avez-vous choisi d’exercer ici ?
Dr A. G. : Je voulais m’installer dans un endroit où il y avait une population de migrants, car j’ai beaucoup travaillé sur l’interculturel et je me suis rendue en Afrique. Je suis venue au cœur du 18e arrondissement, car j’ai retrouvé la patientèle que je souhaitais rencontrer… Mission réussie ! L’intérêt des généralistes, c’est qu’ils s’installent et qu’ils soient en adéquation avec la population et la patientèle. Nos modes d’exercice sont adaptés à l’endroit où l’on est, c’est le principe de notre profession !
Vous travaillez dans une maison de santé pluriprofessionnelle. En quoi cet exercice coordonné est important pour vous ?
Dr A. G. : En 1990, nous n’exercions pas pareil. Il n’y avait pas d’action coordonnée à l’époque. Nous nous entendions bien avec le pharmacien, situé en face, avec qui nous travaillions, mais nous ne voyions pas nos confrères, même ceux installés à quelques rues. Nous nous sommes installés à deux médecins généralistes. Une association de santé communautaire partageait, avec nous, un petit bureau. Aujourd'hui, j’ai une infirmière Asalee et une médiatrice en santé. Je n’ai pas la place pour un assistant médical. La MSP, hors les murs, que j’ai montée, a vu le jour en 2017. Nous travaillons aujourd’hui avec une kinésithérapeute, une infirmière et les autres collègues. Nous avons fait des actions de santé, notamment de prévention, spécifique à notre population. C’est en ce sens que les normes nationales sont totalement insuffisantes, quand on parle de prévention et dépistage. Comme nous avons beaucoup de migrants, nous avons fait une action de quatre ans de dépistage de la drépanocytose en médecine générale, une des maladies rares les plus fréquentes, qui pose des risques majeurs pour les femmes enceintes. Nous avons également fait de la prévention sur la dépigmentation volontaire car nous avions observé que des femmes africaines et certains hommes se massacraient la peau avec des dermocorticoïdes. Être ancré dans un territoire et connaître sa population nous donne des réalités qu’on ne peut pas connaître au niveau national. C’est tout l’enjeu des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS)…
Vous êtes justement présidente de la CPTS du 18e arrondissement de Paris. Au sein de laquelle seule la moitié des médecins généralistes participent…
Dr A. G. : C’est déjà beaucoup. Nous existons que depuis trois ans. Effectivement, certains professionnels disent « c’est un piège, il ne faut pas y aller ». Il faut se questionner sur les réticences des soignants à y participer, pour ne pas mettre des choses contre-productives. Car la CPTS est là pour les aider ! Pendant la crise Covid, nous avons eu notre centre de dépistage, qui n'était pas ouvert au public mais aux patients que nous envoyions. La CPTS est au service des professionnels de santé. C’est un outil formidable ! Autre exemple : pendant les vacances, elle permet de s’organiser quand un médecin ferme son cabinet, car il n’a pas trouvé de remplaçant et se demande « mais que vais-je faire de tous mes malades ? » C’est pour s’entraider, se rendre service, pas se mettre des contraintes.
Quel genre de présidente serez-vous, dans ce monde syndical ?
Dr A. G. : Avec les autres syndicats, il y a des choses que nous pouvons faire avancer ensemble, même avec les spécialistes. Il faut arriver à se mettre d’accord sur des parcours de soins cohérents et qui répondent aux attentes de la population et des professionnels. Autour d’éléments communs. Pareil avec l’Assurance maladie. Nous essaierons d'aller le plus loin possible !
À l’AP-HM, dans l’attente du procès d’un psychiatre accusé de viols
Le texte sur la fin de vie examiné à l'Assemblée à partir de fin janvier
Soumission chimique : l’Ordre des médecins réclame un meilleur remboursement des tests et des analyses de dépistage
Dans les coulisses d'un navire de l'ONG Mercy Ships