Près de Dijon, l’agression d’un généraliste révèle un climat d’insécurité plus global 

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Publié le 10/05/2021

Crédit photo : GARO/PHANIE

Mercredi dernier aux alentours de 23 heures, un médecin généraliste de SOS Médecins a été agressé dans la commune de Chenôve (Côte d’Or) alors qu'il se rendait dans le quartier du Mail pour une consultation. Le Dr Martin Ambroise de SOS 21 raconte. « Le SAMU a demandé à mon collègue de faire une visite dans l’une des tours. Arrivé en bas, on lui a demandé ce qu’il faisait là. Après un échange verbal, où il a expliqué qu’il était médecin, le ton est monté et il s’est retrouvé au sol. Il a été roué de coups de pied par un jeune impliqué dans des trafics de stupéfiants. » Dix jours d’ITT ont été accordés au généraliste.

Dans un communiqué, SOS médecins a annoncé exercer son droit de retrait : les consultations au cabinet et les visites médicales à domicile sont désormais suspendues après 20 heures dans toute la commune. Le maire de cette petite ville de quelque 14 000 habitants, constitutive de l’agglomération de Dijon, est, « désemparé par la situation », autant que le Dr Ambroise qui explique : « cette zone-là, avec SOS 21, nous n'y allons plus depuis un mois et demi… Notre rôle, c’est de rendre service aux gens, pas de jouer aux cow-boys. Ceux qui sont pénalisés, ce sont nos patients. »

« Exercer notre métier en sécurité »

Au fond, ce que souhaite le praticien est très simple. « Je demande qu’on puisse exercer notre métier en sécurité. Je suis révolté dès qu’un médecin se fait frapper, mais tout autant quand des pompiers ou le SAMU se font caillasser. » Alors est-ce un problème de sécurité intérieure ? « Je pense qu’il faut recentrer le rôle des forces de l’ordre ; peut-être faire plus de prévention. Avant la police de proximité connaissait le quartier… C’était des gardiens de la paix, avant tout », reconnaît le praticien. Malgré ces problématiques, le Dr Ambroise est toujours passionné par son métier. « J’aime vraiment ce contact avec les gens et aller chez eux pour voir comment ils vivent. »

C’est aussi le cas du Dr Romain Thevenoud, secrétaire adjoint du Conseil départemental de Côte d'Or de l’Ordre des Médecins : « notre drogue c’est d’aller chez les gens ». Lui décrit un « épisode fâcheux qui montre ce qu’il se passe dans ces zones de non-droit, où des gens veulent avoir un territoire et ne respectent plus ni les uniformes, ni les médecins en mallette et ne se rendent pas compte du mal qu’ils font. »

Le trafic de drogues en problématique de fond

Toutefois, le praticien ne s’y est jamais senti en insécurité ; même s’il faut parfois montrer patte blanche pour pouvoir pénétrer dans certains lieux, « ce qui pose problème, car ce qui scelle la relation médecin patient, c’est le secret médical. » Mais les médecins de la métropole ont été soutenus par la population, en témoignent les nombreux messages leur étant adressés ces derniers jours, raconte Dr Thevenoud. « Le quartier n’en peut plus, il subit cette situation. Je ne suis que médecin, je n’ai pas de solution… » Selon lui, le problème réside dans le fait que les trafiquants de drogues confondraient les médecins avec des policiers, alors qu’ils viennent avec des blouses SOS médecins et un véhicule avec une plaque indiquant leur fonction.

Mais cet épisode n’est pas représentatif de leur quotidien, tient-il à souligner. « Les gens sont heureux de nous voir car ils n’ont pas accès aux soins de manière classique. À 99,9 %, ils sont très bienveillants et agréables. La nuit est un endroit plus chaleureux. On m’a toujours offert quelque chose à manger, ou quelque chose de chaud à boire quand il fait froid. »

Bientôt un protocole de sécurité

Comment revenir à une forme de norme ? Pour Dr Thevenoud, il n’y a pas vraiment de solution. « Peut-être réexpliquer ce qu’est un soignant, dans les écoles et collèges ? Nous avons identifié certaines barres d’immeuble où nous n’irons plus car c’est trop dangereux ! Le maire demande à ses employés de ne pas y aller seuls mais en équipes. C’est la réalité… » La préfecture de la Côte d’Or et la municipalité devraient communiquer très prochainement pour déterminer un protocole de sécurité.


Source : lequotidiendumedecin.fr