Voilà un amendement qui pimente les débats. En dévoilant son intention de remettre sur le tapis l’autorisation de « prescrire » certains médicaments pour les pharmaciens via un amendement au projet de loi santé, le député médecin Thomas Mesnier (LREM) s’est attiré les foudres de la profession.
« Les pharmaciens sont des professionnels de santé. Qu’ils puissent délivrer des traitements sous protocole pour des pathologies simples (rhume, angine, conjonctivite…) du quotidien apporterait une réponse concrète, sûre et rapide aux besoins des Français », a-t-il affirmé jeudi au micro de RTL.
MG France menace de quitter la négociation sur les CPTS
Les syndicats de médecins rejettent avec force cette proposition, déjà formulée par une autre député médecin LREM Delphine Bagarry lors de l’examen du PLFSS 2019.
Le président de la FMF Jean-Paul Hamon, également invité au micro de RTL pour en débattre avec Thomas Mesnier, a alerté sur les dangers d'une telle mesure. « Cela va faire changer les pharmaciens de métier et dégrader les conditions de prise en charge des Français. On peut dire d'une angine ou d'une cystite qu'elle est "simple" seulement une fois qu'on a examiné le patient », estime le généraliste de Clamart. Il considère notamment que la priorité est « de donner aux jeunes l'envie de s'installer en libéral » et pas de « soulager les médecins d'actes simples en mettant en danger la santé des patients ».
De son côté, MG France menace même de quitter la table des négociations conventionnelles sur les CPTS (communautés professionnelles territoriales de santé) en cas de maintien de cet amendement « qui désorganiserait un peu plus le système de soins ».
« Qui peut définir une “petite maladie” en dehors du médecin après interrogatoire et examen du patient ? (…) Qui peut accepter d’être interrogé sur sa santé en public dans une officine par-dessus le comptoir ? », interroge notamment le syndicat présidé par le Dr Jacques Battistoni.
La CSMF prête à discuter avec les pharmaciens
Du côté de la CSMF, on souligne que malgré les apparences, les exemples donnés par le député peuvent « cacher des pathologies beaucoup plus graves ». « Une cystite peut cacher un problème plus gênant et peut nécessiter un traitement antibiotique, dont par ailleurs on veut limiter l’utilisation », fait valoir l’organisation du Dr Jean-Paul Ortiz. « Si les choses doivent évoluer, c’est bien après des discussions entre médecins et pharmaciens que cela doit se faire et pas dans l’enceinte de l’Assemblée nationale », avertit le syndicat. La CSMF se dit « prête à rencontrer les représentants des pharmaciens pour faire évoluer les contours de nos métiers si cela s’avère nécessaire ».
Enfin, le SML réaffirme son opposition à la mesure et « s’étonne que l’on veuille confier à un professionnel le pouvoir de prescrire les médicaments qu’il délivre, à l’heure où l’on dénonce à longueur de colonnes les "conflits d’intérêts" en tout genre ». « La formation des pharmaciens ne leur permet en aucun cas de poser un diagnostic et encore moins d’arrêter une prescription, tranche le syndicat du Dr Philippe Vermesch. L’examen clinique et le diagnostic sont du ressort exclusif du médecin ».
Un amendement nécessitant « encore du travail » selon Buzyn
Face à cette défiance de la profession, le député Thomas Mesnier reste droit dans ses bottes. « Il faut apporter des solutions concrètes dès maintenant car la suppression du numerus clausus n'aura des effets que dans 10 ans », a-t-il assuré au Dr Jean-Paul Hamon lors du débat qui les opposait sur RTL. Le député de Charente a également fait valoir son expérience de médecin urgentiste. « Je voyais tous les jours des patients aux urgences pour des angines ou des cystites car il n'y avait plus de solution en médecine de ville. Si cela mettait en danger la santé des patients, pensez-vous que je proposerais un tel protocole ? », a-t-il martelé.
En commission des Affaires sociales de l'Assemblée mardi dernier, la ministre de la Santé Agnès Buzyn s'est toutefois montrée plus mesurée que Thomas Mesnier sur la prescription en officine. « Nous sommes favorables à un rôle renforcé des pharmaciens dans les parcours de santé (...) mais je crois que cette évolution des rôles en termes de prescription doit nécessiter encore un peu de travail », a-t-elle répondu au député. Le texte de loi sera débattu à partir du 18 mars au Palais Bourbon.
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