C’est une tradition depuis quinze ans : le ou la ministre de la Santé français est systématiquement invité(e) à en découdre au congrès Cham*, grand-messe du monde de la santé orchestrée par le Pr Guy Vallancien et qui se tient chaque année, fin septembre, à Chamonix. Nommée six jours plus tôt à Ségur, Geneviève Darrieussecq s’est pliée à l’exercice, en direct de son bureau parisien jeudi 26 septembre.
Taquinée pendant 25 minutes par l’ancien chirurgien urologue, la nouvelle ministre a laissé entrevoir son agenda des prochains mois sur trois points : la prévention, l’accès aux soins et la réorganisation hospitalière.
Une fois précisé l’intérêt évident d’une politique globale de prévention dépassant le seul écosystème sanitaire, Geneviève Darrieussecq, qui fut médecin généraliste et allergologue, a jugé que la campagne sur les bilans de prévention aux âges clés de la vie n’a « pas été assez relayée ». Ce dispositif lancé en 2023 repose sur quatre consultations 100 % prises en charge par l’Assurance-maladie entre 18 et 25 ans, 45 et 50 ans, 60 et 65 ans ainsi qu’entre 70 et 75 ans. « Je vais le faire, car c’est particulièrement important et essentiel », a-t-elle insisté. Si la ministre a apprécié que le principe de prévention infuse dans la société civile et que des acteurs comme les mutuelles ou les associations s’en emparent, elle a pointé du doigt le peu de cohérence globale de l’effort. « On manque de coordination et à l’arrivée, de visibilité » sur ce qui est fait en la matière, a-t-elle tranché.
La santé, une composante forte du territoire
Comme se plaisait à le faire la Rémoise Catherine Vautrin, la landaise Geneviève Darrieussecq a abordé la question de l’accès aux soins par le prisme territorial. « J’ai été maire en département rural, je connais ce sujet, c’est un enjeu majeur que l’on retrouve aussi dans les villes et dans les banlieues », a-t-elle assuré.
La nouvelle locataire de Ségur a vanté la qualité des ressources existantes : CPTS « en voie de finalisation », contrats locaux de santé (CLS), services d’accès aux soins (SAS) en voie de généralisation. Hélas, « tout cela fait beaucoup d’acronymes incompréhensibles pour le grand public, ce qui renvoie là aussi à un vrai sujet de visibilité ». La ministre a précisé vouloir « amplifier » cette approche territoriale de la santé et « ouvrir des ponts » entre les CPTS libérales et les Ehpad pour éviter des hospitalisations inutiles ou même délétères pour la santé des personnes âgées. « La santé fait partie de l’aménagement du territoire », a-t-elle martelé.
Très favorable aux pratiques avancées
Concernant le manque de médecins, problème que le Pr Vallancien souhaite résoudre en augmentant le contingent d’infirmiers en pratique avancée (IPA), la ministre a partagé l’analyse de son prédécesseur, le Dr François Braun, qui insistait sur la nécessité de « faire le dos rond » jusqu’à ce que le nombre d’étudiants thésés en médecine sur le marché augmente, dans six à sept ans.
Devant l’insistance du Pr Vallancien, pour qui « on peut mettre dans deux ans 10 000 IPA sur le terrain » sans attendre « dans dix ans les 16 000 médecins de Gabriel Attal dont on n’aura de toute façon pas besoin », Geneviève Darrieussecq a lâché du lest. « Je suis d’accord avec vous ! J’ai toujours été très favorable aux IPA et aux pratiques avancées, je défendais déjà cela quand j’étais médecin, il y a plus de 15 ans. Et je peux vous assurer ce que n’était pas facile. » Faisant le lien avec la volonté du Premier Ministre Michel Barnier de faire de la santé mentale « la grande cause nationale en 2025 », l’allergologue a rappelé l’existence des IPA spécialisés en santé mentale. « L’accès à la santé mentale est un très gros sujet aujourd’hui, donc bien sûr que nous devons former des IPA pour pouvoir déjà faire un premier accueil du patient avant que les médecins [ne reprennent la main] pour un diagnostic ou une prise en charge plus approfondis. »
« Je suis de votre côté »
Dernier sujet d’échanges entre la ministre et le fondateur de Cham : l’hôpital public. Que faire des établissements ou la chirurgie se pratique « à la petite semaine » ? Comment réduire les actes inutiles ? Comment évaluer davantage la qualité et la pertinence des soins à tous les étages ? « La santé, c’est 250 milliards d’euros par an, a défendu le Pr Vallancien. L’OCDE juge que 20 % des actes sont inutiles. Si on en fait déjà 5 % de moins, c’est dix milliards d’euros qu’on peut réinjecter dans le système de santé. Et quant à l’évaluation du taux de décès, du taux de réa, des transferts dans les hôpitaux […], on vous sort ça avec la Cnam en 15 jours! Etes-vous avec nous, madame la ministre ? »
Un peu acculée, Geneviève Darrieussecq a rappelé à quel point il est difficile de convaincre les maires et la population de l’intérêt de fermer des petits établissements, souvent premier pourvoyeur d’emplois sur un bassin de vie. « Je suis de votre côté, un hôpital ou un chirurgien qui opère très peu, c’est un risque pour les patients ». Plutôt que de partir en guerre contre les élus locaux, la ministre préfère miser sur la transformation des plus petits (et problématiques) établissements en hôpitaux de proximité, dépourvus de plateaux techniques lourds. « Ainsi, ils auront toujours une activité utile sur le territoire et auront toujours du personnel », a-t-elle précisé.
Geneviève Darrieussecq devrait être la dernière ministre à passer sur le grill du Pr Vallancien. Le matin, en entame du congrès, ce dernier a tiré sa révérence, recueillant une standing ovation de ses compagnons de route, pour certains depuis la première édition, en 2009. La prochaine édition de Cham aura lieu les 25 et 26 septembre 2025.
* Convention on health analysis and management
54 % des médecins femmes ont été victimes de violences sexistes et sexuelles, selon une enquête de l’Ordre
Installation : quand un cabinet éphémère séduit les jeunes praticiens
À l’AP-HM, dans l’attente du procès d’un psychiatre accusé de viols
Le texte sur la fin de vie examiné à l'Assemblée à partir de fin janvier