C’était le 26 janvier 1976, au retour d’un voyage mouvementé à Reims à l’occasion de l’inauguration du premier CHU qui portait son nom, Robert Debré confie alors à son petit-fils Patrice : « Tu vois, la réforme ne sera jamais terminée… les critiques non plus » (1).
Sur ce dernier point, le diagnostic du grand patron n’est pas vérifié. Un conservatisme partagé par une large majorité des acteurs menace davantage cet héritage historique que les rares flèches lancées à l’encontre de cette cathédrale du soin et de la recherche. Bien sûr, les objectifs assignés par Robert Debré à cette réforme de fond ont été atteints. Le CHU est devenu ce lieu de référence pour tous les Français, symbole de l’excellence et de l’égalitarisme républicain. Paris n'est plus le seul lieu de production du savoir et de la compétence, autour de Notre-Dame ou plutôt laïcité oblige près de l'Hôtel de Ville de Paris, avenue Victoria.
La sévérité seule de la pathologie guide l’excellence de la prise en charge et non pas la carte de crédit. L'exercice de la médecine au plus niveau exige en permanence la rencontre entre la clinique et la science, l'enseignement avec la recherche au sein d'un même lieu. L'intuition de Robert Debré avait trente ans d’avance sur la Silicon Valley et le concept d’incubateur. Pourquoi faudrait-il modifier cette architecture grandiose qui résiste si bien à l’épreuve du temps ?
Peut-être parce que nous changeons d'époque. Des rapports récents appellent au changement (Cf. dossier pp. 6 à 11). À l’heure de l’ultra-spécialisation associée à une technicité qui exige de lourds investissements, tous les CHU français sont-ils en capacité d’offrir aux Français ces soins performants ? Faut-il envisager entre CHU d’une même région, voire d'une autre région une mutualisation des moyens ? Le nombre actuel de CHU relève-t-il du sacré Retour vers le futur ? Les trois fonctions, soins-enseignement-recherche auxquelles on associe aujourd’hui le management, assurées par un même homme ou femme constituent-elles un dogme intangible ? Quant à l’excellence, elle peut être interrogée par les notes de certification attribuées par la HAS (Cf. p.). À l'heure de l'irruption de l'intelligence artificielle et la fin annoncée de l’hospitalocentrisme à la française, la rénovation de ce monument français s’avère nécessaire. Pourquoi faudrait-il en avoir peur ?
Robert Debré aux interrogations soulevées par son engagement total dans la réforme répondait par « le goût du risque peut-être » (2). Qui en sera aujourd'hui l’héritier audacieux dans ces temps troublés où les Gafa, nouveaux bâtisseurs de l’immatériel ont remplacé les constructeurs de cathédrales.
(1) Robert Debré, une vocation française, Patrice Debré, éd. Odile Jacob p.289, 2018.
(2) Opus cité p. 294.
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