Surprise, regrets (souvent) et inquiétude : l’annonce ce mercredi de la démission d’Aurélien Rousseau de son poste de ministre de la Santé a provoqué une vague de réactions au sein des représentants des syndicats médicaux, libéraux comme hospitaliers, toutes générations confondues. Si presque tous saluent la décision, jugée courageuse, d’un homme en accord avec ses convictions politiques, nombreux sont ceux qui s’interrogent déjà sur les conséquences de son départ sur les chantiers en cours.
À MG France, on préfère prendre la nouvelle avec philosophie. « Les positions de ce ministre-là étaient en accord avec les nôtres. Mais les ministères, ce ne sont pas des individus, ce sont des postes. MG France continuera à travailler en étant force de propositions dans les négociations conventionnelles », réagit la Dr Agnès Gianotti, consciente toutefois que « n’importe quel nouveau ministre peut défaire ce que le précédent a fait ».
Homme de conviction et parler vrai
« Aurélien Rousseau, on avait l’impression qu’il parlait vrai. Son départ laisse un goût d'inachevé mais sa démission prouve que c’est un homme de conviction », juge la Dr Sophie Bauer. La cheffe de file du SML ne croit pas qu’un nouveau ministre puisse remettre en cause la lettre de cadrage positive qui a permis de relancer les négos sur de nouvelles bases, « surtout après l’échec de l’an dernier ».
Même son de cloche à la Fédération des médecins de France (FMF) qui prend acte de la situation. « Dans l'immédiat, ce départ ne va pas remettre en cause les négociations conventionnelles. D'autant que c'est Agnès Firmin Le Bodo qui assure l'intérim. Nous allons continuer à travailler sur le cadrage politique laissé par Aurélien Rousseau »,veut croire la présidente du syndicat, la Dr Patricia Lefébure.
L'hôpital regrette le turn-over des ministres de la Santé
Côté hospitalier, la Dr Anne Wernet, présidente du Syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes-réanimateurs élargi (Snphare), prévient. « En tant que syndicat apolitique, nous ne pouvons pas nous prononcer sur le départ d’Aurélien Rousseau » mais elle relève « qu’il est pénible de changer de ministre tous les six mois à un an. Sur ces deux mandatures, nous avons déjà eu cinq ministres de la Santé ! Nous craignons que toutes les discussions engagées autour des groupes de travail sur la permanence des soins et l’attractivité s’arrêtent ».
Chez les juniors, Guillaume Bailly, président des internes de l’Isni, salue lui aussi « le courage politique » du ministre démissionnaire. « J’espère que nous pourrons continuer à travailler sur les dossiers déjà engagés – parentalité, internat, temps de travail, santé mentale – avec son ou sa successeure », souffle l’interne en cardiologie.
Le jugement est beaucoup plus critique à l’Intersyndicat national des praticiens hospitaliers (INPH). Le passage de l’ancien dircab d’Élisabeth Borne à Ségur n’a pas laissé un souvenir impérissable à sa présidente, la Dr Rachel Bocher. « Le départ d’Aurélien Rousseau ne m’étonne pas. J’ai toujours eu l’impression que c’était un ministre de passage. Nous n’avons pas eu le temps d’instaurer un vrai dialogue social avec lui », tacle la psychiatre nantaise.
Au bout de sa démarche
Chez Avenir Spé, centrale de spécialistes libéraux, c’est au contraire ce dialogue social que l’on regrettera. « Aurélien Rousseau avait impulsé une nouvelle dynamique, qui pouvait redonner espoir, à moyen et à long terme aux médecins libéraux. Mais je respecte sa décision fondée sur ses convictions. Cela fait honneur aux hommes politiques », diagnostique le Dr Patrick Gasser, patron du syndicat de spécialistes. À la Csmf, on salue aussi « l’engagement politique d’un homme dont on connaît les convictions et qui va au bout de sa démarche », rappelle le Dr Franck Devulder, patron de la centrale confédérale.
Un sentiment partagé par le Dr Jérôme Marty. « Aurélien Rousseau a placé l'honneur et les valeurs de la République au-dessus de son parcours personnel et c'est assez rare sous la Ve République », souligne le président d'UFML-Syndicat. Avec cette interrogation en suspens : « On sait ce qu'on perd mais pas ce qu'on gagne ».
Chiffon rouge
Au petit jeu des pronostics, les leaders syndicaux réagissent en ordre dispersé. La Dr Agnès Giannotti ne voit « aucun intérêt » à faire des conjectures. Plus joueuse, la chef de file du SML lâche que son syndicat « pourrait discuter avec l’ancien DG de la Cnam, et actuel patron de l’AP-HP, Nicolas Revel ».
Les autres représentants syndicaux rappellent que, pour l’heure, c’est Agnès Firmin Le Bodo qui assure l’intérim. Tous s’accordent sur une chose. Parmi les possibles locataires de Ségur, un nom est rejeté, celui de Frédéric Valletoux, l'ex-président de la Fédération hospitalière de France (FHF). Ce serait un mauvais signal pour la médecine libérale déclarent, unanimes, les syndicats libéraux. La proposition de loi sur l’accès aux soins du député Horizons – avec son lot de mesures d'encadrement – a laissé des traces.
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