La Santé diluée dans le mastodonte social ?
Aussitôt nommée, aussitôt contestée, du moins questionnée… L’arrivée de Catherine Vautrin aux manettes d’un ministère de très grande envergure qui couvre les anciens portefeuilles d’Olivier Dussopt pour le Travail et les retraites, d’Aurore Bergé pour les Solidarités et d’Agnès Firmin Le Bodo pour les questions de santé a immédiatement fait tiquer de très nombreuses organisations du secteur avec une interrogation récurrente. Ce cumul ne va-t-il pas aboutir, même si l’exécutif s’en défend, à noyer les priorités de santé (ville, hôpital, médicament, Ehpad) au sein de ce maroquin social tentaculaire, qui devra aussi gérer le chômage ou la réforme du RSA ? Dans un contexte de crises multiples, plusieurs voix ont aussitôt regretté que le ministère de la Santé de plein exercice disparaisse au profit d’un portefeuille aux prérogatives aussi larges. « La santé est déclassée en deuxième division », a même cinglé l’UFML-Syndicat.
Plusieurs éléments viennent toutefois nuancer cette analyse. D’abord, ce n’est pas la première fois que cette architecture est retenue par l’exécutif : Philippe Séguin, Martine Aubry, Jacques Barrot ou encore Xavier Bertrand ont piloté de très vastes ministères englobant social et santé et c’est surtout le poids politique des titulaires qui s’est révélé déterminant dans la conduite des réformes. Ensuite, la création d’un ministère délégué à la Santé, vraisemblablement confié à Agnès Pannier-Runacher, qui pourrait bénéficier d’une large autonomie, rééquilibre partiellement la dilution des compétences. Enfin, en se positionnant très haut dans l’ordre protocolaire, au quatrième rang de la hiérarchie ministérielle, juste derrière Bruno Le Maire et Gérard Darmanin, Catherine Vautrin occupe de fait une place forte qui devrait lui assurer de peser dans les arbitrages.
La primauté des politiques et des technos ?
Longtemps, Emmanuel Macron n’a pas fait mystère de sa préférence pour un médecin à la tête de Ségur, considérant sans doute qu’ils étaient mieux placés et armés pour parler à leurs pairs, surtout en période de crises multiples. Ce fut le sens des premières nominations de l’hématologue Agnès Buzyn, puis du neurologue Olivier Véran, lors de son premier mandat, ou encore de l’urgentiste François Braun lors du second.
Même si Emmanuel Macron avait déjà fait deux entorses à ce principe (avec la ministre éphémère Brigitte Bourguignon ou plus récemment avec le haut fonctionnaire Aurélien Rousseau), sa décision probable de confier les questions de santé au tandem Catherine Vautrin/Agnès Pannier-Runacher, deux non-médecins – la première ancienne directrice marketing, la seconde énarque, haute fonctionnaire et cadre d’entreprise – semble consacrer l’éloignement des experts médecins au profit de profils plus politiques, voire franchement technos. Inquiétant ?
L’économie et la rigueur prédominantes ?
C’est le corollaire de l’interrogation précédente. Le pilotage des affaires de santé se fera-t-il sous le sceau de la rigueur budgétaire – réclamée par Bercy – ou les investissements au profit du secteur seront-ils sanctuarisés ? Le profil très « gestionnaire » du duo à la tête de Ségur a en tout cas soulevé des interrogations, voire des doutes. Ancienne ministre de Chirac, ex-trésorière de l’UMP puis porte-parole de Nicolas Sarkozy, Catherine Vautrin a construit son parcours politique au sein de la droite libérale et sociale, avec un fort ancrage local à Reims. Pressentie pour Matignon en 2022, son éventuelle nomination avait provoqué un tir de barrage de l’aile gauche de la macronie et de certains milieux associatifs. Quant à Agnès Pannier-Runacher, sa carrière est surtout marquée par des responsabilités au sein du monde… de l’entreprise ou de l’industrie. En 2020, nommée ministre déléguée chargée de l'Industrie dans le gouvernement Castex, dans le contexte de la pandémie de Covid-19, elle avait été chargée par Emmanuel Macron de la stratégie française d'achat et de négociation des vaccins contre le Covid. Son expérience directe dans le domaine de la santé se résume à son passage à l'Assistance publique des Hôpitaux de Paris (AP-HP), où elle avait dirigé le cabinet de la DG du CHU francilien, Rose-Marie Van Lerberghe.
Avec ces deux pilotes marqués par les impératifs budgétaires, la santé disposera-t-elle des moyens financiers à la hauteur des besoins colossaux ? Ce n’est sans doute pas un hasard si l’un des tout premiers déplacements de Gabriel Attal, dès ce week-end avec sa nouvelle ministre Catherine Vautrin, a eu lieu au sein du CHU de Dijon pour afficher la promesse de « 32 milliards d’euros supplémentaires » d’investissement dans la santé à l’horizon de cinq ans, qualifiant au passage l’hôpital public de « trésor national ». Suffisant?
La prévention reléguée au second plan ?
Avant le remaniement déjà, la question de la réalité de la révolution de la prévention promise par Emmanuel Macron se posait, malgré un intitulé ministériel pourtant explicite (Santé ET Prévention). Même si le dernier budget de la Sécu a apporté des avancées dans ce domaine (avec le financement de campagnes de vaccination contre le papillomavirus au collège, la prise en charge intégrale des préservatifs pour les moins de 26 ans sans prescription et le remboursement de protections menstruelles durables pour les jeunes et les bénéficiaires de la complémentaire santé solidaire), le changement de paradigme est encore loin, comme l’illustre la difficulté de concrétiser les bilans de prévention tout au long de la vie. C’est la raison pour laquelle, dès la passation de pouvoir, Catherine Vautrin a déminé ce terrain en assurant que « la prévention » – qui ne figure pas dans son maroquin – représentait « comme l’offre de soins » un « enjeu absolument majeur » pour la France. Là aussi, le secteur jugera sur pièces.
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