Quel était l'objectif de votre manifestation du 19 juin dernier ? Que dénonciez-vous ?
Caroline Izambert. Depuis 1998 en France, les personnes gravement malades sont protégées contre une expulsion vers un pays où elles n'auraient pas accès au traitement. En matière de VIH, les instructions du ministère de la Santé sont très claires : dans les pays en développement, nous ne pouvons pas avoir l'assurance qu'une personne récemment arrivée dans son pays d'origine aura accès au traitement. Cette instruction est cohérente avec les données de l'OnuSida qui indique qu'une personne atteinte du VIH sur deux dans le Monde n'a pas accès au traitement. Depuis le 1er janvier 2017, date à laquelle la procédure d'évaluation médicale est passée sous l'égide de l'Ofii, (dépendant du ministère de l'Intérieur)*, nous avons une augmentation des avis négatifs, souvent par l'affirmation que le traitement est disponible dans les pays d'origine. Depuis mars 2017, nous avons 23 cas d'étrangers séropositifs qui ont reçu une obligation de quitter le territoire français (OQTF) versus quatre cas en 2016.
Quel est le profil de ces personnes ?
Elles sont parfois présentes sur le territoire hexagonal depuis des années. Elles ont renouvelé leur titre de séjour, prennent leur traitement avec une charge virale indétectable (ne transmettent plus le virus) et mènent une vie paisible dans la société française. Si elles se retrouvent en situation d'irrégularité, elles perdront leurs droits sociaux, leur travail ou pire seront expulsées. Le traitement contre le VIH est à vie et ne peut être stoppé.
Pourtant, la direction de l'Offi souligne que les médecins à son service ne les libèrent pas du serment d'Hippocrate. L'ensemble de la procédure est même supervisée par un comité de sages, composés notamment de spécialistes de l'OMS.
C'est bien notre étonnement. La rencontre que nous avons eue la semaine dernière avec le directeur de l'Offi n'était pas du tout dans l'ouverture et la compréhension. Prenons un exemple. Une des personnes expulsables est une femme russe. Or, selon nos informations vérifiées sur le terrain, la moitié des personnes séropositives en Russie ne reçoit pas de traitement. Pour notre part, nous sommes tout à fait ouverts pour en discuter avec le comité des sages et savoir comment ils en arrivent à cette appréciation. C'était justement le sens de notre action suite devant l'Ofii.
Quelles étaient vos demandes auprès de l'Offi ?
Nous lui demandions notamment des chiffres précis depuis plusieurs mois. Or la loi lui impose de publier annuellement un rapport. Dans le même ordre d'idée, nous réalisons un travail pour accompagner les personnes pour l'obtention du titre de séjour. Et nous ne parvenons pas à comprendre la logique du dispositif. Avec le passage à l'Offi, nous avions reçu la promesse d'une harmonisation des pratiques. Pour l'instant, ce n'est pas du tout le cas. Autre incertitude, nous savons qu'il existe une grande variabilité de l'accès au traitement dans le temps. Par exemple, en fonction des fonds reçus par le Fonds mondial, un pays peut être tout à fait exemplaire sur une période donnée, puis par la suite ne plus être capable de traiter les patients.
Quels sont les pays concernés ?
L'Angola, le Cameroun, la Russie, le Surinam, le Brésil, Cuba... À noter également, selon nos partenaires associatifs, pour les autres pathologies, il existe également une baisse du taux d'accords extrêmement nette, notamment sur les pathologies mentales et les hépatites.
Quel message adressez-vous aux pouvoirs publics ?
D'un côté, certaines municipalités et l'État français se disent volontaristes pour mettre fin à l'épidémie du Sida, d'autre part les populations les plus précaires comme les migrantes sont fragilisées dans le suivi et l'accès au traitement. Nous avons cherché à souligner dans notre action cette incohérence des politiques publiques. Au final, nous sommes inquiets de cette évolution vers un affaiblissement des protections, surtout dans une telle période de raidissement des politiques migratoires.
* La rédaction de Décision Santé n'a pas réussi à joindre les responsables de l'Ofii.
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