Il est forcément hasardeux de faire des prévisions dans un pays où, quand une crise commence, elle peut durer des mois, comme la précédente, la grève interminable de la SNCF, qui a mis à genoux les usagers, mais à laquelle l'été et les vacances ont réglé son compte. Emmanuel Macron ne peut d'ailleurs pas espérer que les gilets se déboutonnent, d'autant que d'autres catégories, comme les retraités, prennent le relais. Mais son idée du grand débat, très contestée au départ, a réuni et réunit encore beaucoup de monde. Sans doute a-t-il compris que ce que les Français aiment le plus, c'est parler. Les manifestants et, parmi eux, nombre d'insurgés violents, finiront probablement par perdre le soutien populaire dont ils bénéficient. Et, curieusement, la position personnelle de M. Macron, sur qui sont concentrées toutes les attaques (comme en témoignent les rebondissements incessants de l'affaire Benalla), n'est pas trop affaiblie par rapport à ce qu'il aurait pu craindre.
Ce sentiment vient de la crédibilité réduite de ses opposants. Il suffit de parcourir le paysage politique pour voir qu'aucun parti, pas même le Rassemblement national (RN), pourtant puissant et prématurément triomphaliste, n'a encore pris le relais de la République en marche. Dans un autre espace, j'ai signalé l'incroyable dispersion des intentions de vote aux européennes. Il est peu probable que les gilets forment un mouvement politique qui se présenterait aux élections européennes, mais, s'ils y parvenaient, ils ne réussiraient qu'à plomber le RN et assurer la victoire de la République en marche.
Pour une raison très simple : toutes les erreurs commises par le gouvernement, tous les assauts lancés par les partis contre l'Elysée et contre Matignon, le climat exécrable créé par la haine et par la violence n'ont pas produit d'alternative politique valable. Il y a des gens qui protestent à haute voix, mais il y en a beaucoup qui se taisent et ne partagent pas le désir des premiers de démolir la société telle qu'elle est structurée actuellement. Macron peut penser qu'une bonne partie de ses concitoyens posent sur la France et sur le monde un regard réaliste : qu'est-ce que les opposants ont à proposer ? Un délire à la britannique ? Une comédie à l'italienne, où l'on ne vise des objectifs lointains que pour mieux revenir à la réalité quand sont comptés les deniers dont on dispose ?
Les patrons se rebiffent
Dans ce contexte, le comportement du patronat est scandaleux. Mortifiés par la menace d'un malus pour les contrats de courte durée qui n'ont jamais été que l'expression contemporaine de l'exploitation de l'homme par l'homme, les patrons se sont retirés de la négociation sur l'assurance chômage. Mais où se croient-ils ? Dans l'Amérique de Trump où aucun principe n'est respecté ? Dans un pays prospère où tout le monde gagne bien sa vie ? Le message que leur adresse le président est, comme d'habitude, arrogant, mais tout de même clair et simple : c'est moi ou le chaos. Si vous ne contribuez pas à l'amélioration du niveau de vie des plus pauvres, c'est un parti anti-européen ou gauchiste qui prendra le pouvoir et vous traitera plus mal que moi.
Cet épisode montre aussi à quel point l'action des gilets jaunes va modifier celle du gouvernement. Il est contraint et forcé de faire plus de social. Ce qui implique à la fois un ralentissement des réformes et une hausse sensible de la redistribution. Comment concilier son programme avec les nouvelles nécessités, comment tenir les cordons de la bourse tout en allégeant le fardeau des moins nantis, ce sera le dilemme de l'année. Il n'y a sûrement pas lieu de se réjouir des difficultés que le pouvoir va devoir affronter au moment où la croissance ralentit en France. Le côte optimiste de l'affaire, c'est que la résistance à l'adversité du gouvernement, aidé en cela par des institutions inébranlables, rend sa chute de moins en moins probable. Le mois dernier, la crise de régime battait son plein, aujourd'hui la marge de manœuvre est moins étroite. Le plus dur sera de gérer la tension permanente.
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