« Trois millions de Français ne sont pas couverts par une complémentaire santé ». C’est Gabriel Attal qui l’a dit samedi 15 juin dans un entretien au journal de 20 heures de France 2. Le chef du gouvernement a esquissé un début de programme santé pour la majorité présidentielle, à moins de deux semaines des législatives, convoquées à la suite de la dissolution de l’Assemblée nationale par le président de la République.
Face aux « dépenses contraintes » et à un pouvoir d’achat réduit, le Premier ministre a expliqué vouloir mettre en place une complémentaire de santé « publique », « au tarif d’un euro par jour », pour les Français « qui ne sont pas couverts », soit environ trois millions d’entre eux. En premier lieu, Gabriel Attal vise les retraités, pour qui la couverture complémentaire mensuelle représente « en moyenne 120 euros », indique-t-il. Mais pas seulement : « les indépendants et certains étudiants » seraient concernés. Côté méthode, « évidemment, on travaillera avec le secteur mutualiste (…) pour construire cette solution avec eux », promet Gabriel Attal, précisant que « c’est un engagement que je prends ».
La C2S oubliée par Matignon ?
Problème : ce « nouveau » dispositif existe déjà, et souvent en mieux. Il s’agit de la complémentaire santé solidaire (C2S), lancée en 2019 par Agnès Buzyn, alors ministre de la Santé, dans le premier gouvernement Macron.
Celle-ci est une fusion de la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C) et de l’aide à la complémentaire santé (ACS). Un dispositif public « pour payer vos dépenses de santé si vos ressources sont modestes », peut-on lire sur le site de l’Assurance-maladie, qui précise justement que, selon les revenus, « elle ne coûte rien ou coûte moins d’un euro par jour et par personne ». Bref, la C2S serait même dans certains cas plus avantageuse (gratuite) que le système envisagé par Gabriel Attal.
Car il existe deux types de C2S : gratuite et payante – l’éligibilité dépendant du seuil de revenus et de la composition du ménage. Le montant mensuel de la participation par bénéficiaire est calculé en fonction de l’âge de chacun des membres du foyer : allant de 8 euros par mois pour les moins de 29 ans (donc beaucoup moins d’un euro par jour), à 30 euros pour les 70 ans et plus. Pour un foyer composé d’une seule personne, le plafond annuel de revenus pour obtenir la C2S gratuite est de 10 166 euros et de 13 754 euros avec une participation ; pour quatre personnes : 21 348 euros pour la C2S gratuite et 28 820 euros avec participation. Fin septembre 2023, quelque 7,3 millions de Français en bénéficiaient.
La Mutualité interloquée
La nouveauté de Matignon fait donc tiquer les experts du secteur. « C’est de la poudre aux yeux ! » : interrogée ce lundi par Le Quotidien, la directrice générale de la Fédération nationale de la Mutualité française (FNMF), Séverine Salgado, ne mâche pas ses mots, « très surprise » de cette annonce puisque « ce dispositif existe déjà avec la C2S… » Elle reconnaît toutefois que cette aide n’a pas encore totalement « rencontré son public », puisque seulement un tiers des personnes éligibles au dispositif – avec participation – y ont recours.
Quant aux publics prioritaires visés, si 4 % des Français environ restent non couverts par une mutuelle santé, « les retraités, eux, dans leur majorité, le sont », ajoute-t-elle. Avec une cotisation de 30 euros par mois, via la C2S, « le panier de soins est plus que correct, mais la cotisation ne couvre pas la réalité des coûts », souligne aussi la DG de la Mutualité. En clair, si le dispositif (de mutuelle à un euro par jour pour les retraités) était généralisé, « ce serait un facteur de déficit important pour l’Assurance-maladie ». À ce sujet, la moyenne citée par Gabriel Attal de 120 euros de cotisation par retraité ne vient pas de nulle part. « Ce n’est pas pour le plaisir ou pour faire des marges : nous n’en faisons pas ! », détaille-t-elle. « Sortons du slogan politique », résume Séverine Salgado se disant à la disposition du Premier ministre pour « travailler ensemble sur une meilleure couverture santé » des Français.
Gadget ?
Pour l’ancien responsable santé du PS, le Dr Claude Pigement, il est « surréaliste » que le Premier ministre fasse cette proposition en forme d’effet d’annonce sur le pouvoir d’achat. « Gabriel Attal connaît très bien Ségur [il a été conseiller de Marisol Touraine] et, pourtant, il sort cette mesure de son chapeau, sans savoir que la C2S couvre déjà les plus précaires et pour moins d’un euro par jour ! », explique-t-il au Quotidien. Face à ce « gadget », le gastro-entérologue appelle à multiplier les campagnes d’information pour réduire le non-recours à ces aides.
Même analyse critique pour un ancien leader de la Mutualité, joint également ce lundi. « On ne voit pas très bien ce que le Premier ministre veut dire… même si l’on comprend qu’il cherche à répondre à la problématique du pouvoir d’achat ». Selon lui, « le vrai problème est le reste à charge pour les retraités et un peu les jeunes… et surtout le non-recours ».
À l’AP-HM, dans l’attente du procès d’un psychiatre accusé de viols
Le texte sur la fin de vie examiné à l'Assemblée à partir de fin janvier
Soumission chimique : l’Ordre des médecins réclame un meilleur remboursement des tests et des analyses de dépistage
Dans les coulisses d'un navire de l'ONG Mercy Ships