Olivier Véran avait-il anticipé la polémique qui accompagnerait sa surprenante reconversion professionnelle ? En annonçant sa volonté de se lancer dans la médecine esthétique, l’ancien neurologue et ministre de la Santé s’est attiré de très vifs commentaires de la part de confrères, certains surpris, d’autres dépités ou franchement irrités. Jeudi 21 mars, le député LR de l’Isère et cardiologue Yannick Neuder a même déposé une proposition de loi visant à « encadrer » la reconversion vers la pratique de la médecine esthétique.
Trois DU et une patientèle personnelle
Le Grenoblois, redevenu député après avoir quitté le gouvernement, exercera à la clinique parisienne des Champs-Élysées, et s'est inscrit à la faculté de Créteil pour se former. Selon les informations du Quotidien, Olivier Véran va plancher en distanciel sur trois diplômes universitaires : techniques d’injection et de comblement en chirurgie plastique et maxillo-faciale (six jours, 69 heures de cours) ; agents physiques en médecine esthétique (cryo, Laser, plasma, Led, radiofréquence, carboxythérapie, etc. sur huit jours) ; implantation capillaire (sept jours). Ses examens sont prévus à la fin du mois de juin.
Parallèlement à ses études universitaires, Olivier Véran bénéficiera d’un programme intense de formation pratique dans les locaux de sa future clinique. Ce n’est qu’une fois son cycle d’apprentissage terminé qu’il pourra exercer de manière indépendante en disposant des plateaux techniques de la structure. Il aura donc sa propre patientèle et travaillera avec les équipes déjà en poste.
La toxine botulique, bien connue des neurologues
La reconversion d’Olivier Véran et la ribambelle de commentaires qui en a découlé soulève aussi la question, en creux, de l’existence d’une spécialité noble – en l’occurrence, la neurologie – et d’une « sous-médecine » qu’il s’apprête à pratiquer, la médecine esthétique. Ce procès n’est pas nouveau et peut s’expliquer de plusieurs façons.
La médecine esthétique ne fait pas partie des 44 spécialités médicales et, parfois, elle n’a de médecine que le nom. On ne compte plus les scandales de « fake injectors », des charlatans qui se prétendent praticiens et qui proposent sur les réseaux sociaux – à des prix défiants toute concurrence – des injections d'acide hyaluronique ou de botox. En l’absence de mesures de régulation et d’encadrement adéquates, beaucoup de médecins omnipraticiens (plus ou moins formés) proposent également en cabinet de tels actes alors que la médecine esthétique relève de la compétence de deux spécialités – la chirurgie plastique, reconstructrice et esthétique, et la dermatologie et vénéréologie.
« En tant que neurologue, le Dr Véran a le droit d’utiliser la toxine botulique pour le traitement de la clonie
Dr Bruno Alfandari (Syndicat national de chirurgie plastique reconstructrice et esthétique)
Mais concernant le Dr Véran, le passage de la neurologie à la médecine esthétique n’est pas si absurde. Cela ferait même sens, assure le Dr Bruno Alfandari, ancien président du Syndicat national de chirurgie plastique reconstructrice et esthétique. « En tant que neurologue, le Dr Véran a le droit d’utiliser la toxine botulique pour le traitement de la clonie [contraction musculaire involontaire, brève et soudaine, NLDR]. Je ne sais pas s’il l’a déjà fait mais son diplôme lui reconnaît cette capacité. »
Le chirurgien plasticien bordelais, qui voit le changement de carre professionnel de son confrère « sans animosité », rappelle que la médecine esthétique est « complémentaire » de l’activité chirurgicale, notamment parce qu’elle participe à « la réparation post-opératoire ». « Lorsqu’il a pris la parole, le Dr Véran a insisté sur la finalité thérapeutique des actes de médecine esthétique, ce que j’ai apprécié, précise le Dr Alfandari. Dans notre profession, le moteur n’est pas d’être payé, mais d’être compétent pour soigner et d’être payé pour. C’est différent. » En revanche, le chirurgien est plus dubitatif sur le choix de l’ex-neurologue pour la clinique des Champs-Elysées, qu’il considère comme une « officine à néons qui flashent ».
Outrances morphologiques
Davantage que son orientation professionnelle, c’est sans doute le lieu d’atterrissage choisi par Olivier Véran qui crispe. Revendiquant 25 % du marché français sur le secteur de la médecine esthétique, forte de 17 établissements répartis sur tout le territoire, la clinique des Champs-Elysées est auréolée d’une réputation forte auprès des influenceuses, dont certaines outrances morphologiques laissent le monde médical bouche bée.
La clinique des Champs-Elysées rappelle que les influenceuses amatrices de bouches pulpeuses à l’excès et de fessiers ultra-bombés ne sont pas représentatives de sa patientèle
Dans un livre blanc coécrit en novembre 2023 avec l’Institut Sapiens, l’établissement rappelle toutefois que les influenceuses amatrices de bouches pulpeuses à l’excès et de fessiers ultra-bombés ne sont pas représentatives de sa patientèle, par ailleurs composée à 30 % d’hommes. « Sur les 84 100 actes décomptés pour l’année 2023 [sur l’ensemble du groupe, NDLR], les actes de chirurgie et d’injections ne représentent que 18 % des actes totaux », lit-on.
Contrairement aux idées reçues, indique la clinique, « ce sont donc les épilations laser et les traitements pour le visage (soins du visage, laser, peelings, traitements contre l’acné, hydrafacial, etc.) qui concentrent la grande majorité des actes réalisés en clinique (61 % à eux deux) ». Enfin, les injections dites « de confort » réclamées par les patientes les plus jeunes représentent selon les chiffres de l’établissement 3 % des injections réalisées par an. La clinique insiste : « On est loin du phénomène d’ampleur justifiant les quolibets adressés au secteur ». Et, désormais, au Dr Olivier Véran.
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