« Il faut poser la question des violences sexuelles à tous pour qu’un enfant victime puisse accorder sa confiance ». Le repérage systématique est l'une des 82 recommandations livrées ce 15 novembre, par la commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise).
L'instance instaurée après la publication en janvier 2021 du livre la Familia Grande de Camille Kouchner, et présidée par le juge des enfants Édouard Durand et Nathalie Mathieu, directrice générale de l’association Docteurs Bru, remet son dernier rapport, alors que son avenir est incertain. La Première ministre Élisabeth Borne devrait trancher la question de son maintien ce lundi 20 novembre, journée internationale des droits de l'enfant, à l'occasion de l'annonce d'un plan interministériel de lutte contre les violences.
Chaque année, 160 000 enfants sont victimes de violences sexuelles - soit un enfant toutes les trois minutes ; ils seraient 5,4 millions d'adultes à en avoir subi durant leur enfance. Pourtant, le déni persiste, en se drapant parfois dans une « volonté » de neutralité que la Ciivise dénonce ardemment.
Pour sortir de ce déni, elle fait du repérage le premier des quatre axes de son rapport. « Nous devons aller chercher les enfants pour les protéger. Ce n’est pas attendre que l’enfant parle mais c’est lui permettre de révéler les violences en lui inspirant confiance. D’abord, tout simplement, en lui posant la question », lit-on. Et de préconiser le questionnement systématique comme une véritable politique publique et de prendre appui sur le carnet de santé (signes évocateurs lors du suivi). Et sans négliger les multiples formes des violences sexuelles, y compris l'inceste psychologique (ou incestualité) et les cyberviolences.
La commission insiste aussi sur la généralisation du repérage des violences sexuelles dans les situations spécifiques : les grossesses chez les adolescentes (qu'elles demandent une IVG ou qu'elles souhaitent la mener à terme) et les tentatives de suicide chez les (très) jeunes. Elle invite à rechercher, en cas de mort par suicide, si la personne a été victime de violences sexuelles dans l’enfance.
Un rendez-vous annuel individuel de dépistage
Elle préconise de créer un rendez-vous individuel annuel d’évaluation du bien-être de l’enfant et d'évaluer la mise en œuvre promise par Emmanuel Macron en janvier 2021, des deux rendez-vous de dépistage et de prévention, l’un au primaire, l’autre au collège dans le cycle de visites médicales obligatoires existantes.
La Ciivise réitère ses mesures pour encourager les signalements, en demandant une clarification de son obligation pour les médecins, et la garantie de leur immunité disciplinaire (pour éviter les poursuites devant le conseil de l'ordre pour « immixtion dans les affaires familiales ») . Elle plaide aussi pour la création d'une cellule de conseil et de soutien pour les professionnels et la mise en place d'un suivi psychologique individuel et collectif (analyse des pratiques), pour prendre en charge le traumatisme vicariant des professionnels.
Une prise en charge spécifique
« Pour sortir du déni, il faut croire l’enfant qui révèle des violences et le protéger. C’est la seule attitude raisonnable, il faut prendre les enfants au sérieux, et ne pas minimiser la violence et la dangerosité des agresseurs », poursuit la Ciivise.
Elle réitère la nécessité de garantir un parcours de soins spécialisés du psychotraumatisme, tel qu'elle l'avait élaboré dans son deuxième avis. Et ceci le plus précocement possible. Ce parcours doit être intégralement remboursé, et les victimes devraient par ailleurs se voir garantir une indemnisation qui tienne compte de l'ensemble des conséquences sur leur vie (un « empêchement d'être » qui se traduit par des troubles psychiques et physiques, selon les mots de Jean-Marc Sauvé, président de la Commission sur les abus sexuels dans l'Église).
La Ciivise propose plusieurs recommandations pour améliorer la prévention des violences sexuelles (dont la mise en œuvre à l’école des séances d’éducation à la vie sexuelle et affective) et leur traitement judiciaire. Encore 70 % des plaintes pour violences sexuelles sur enfant sont classées sans suite. Elle prend enfin parti en faveur de l'imprescriptibilité des violences sexuelles sur les enfants, qualification jusqu'ici réservée aux crimes contre l'humanité, dont l'extension fait débat depuis plusieurs années.
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