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LES EFFETS des boissons alcooliques sur la santé dépendent essentiellement de la quantité d’alcool consommée, quelle que soit la nature de la boisson et le degré d'alcool. Les études épidémiologiques l'ont démontré, c’est pourquoi la recommandation « Boire avec modération », floue et banalisée, n'empêche pas les conduites à risque à l'insu des consommateurs. D'autre part, l'étiquetage, qui ne renseigne que sur le volume et le degré d'alcool, ne permet pas d'évaluer en connaissance de cause la consommation. La prévention passe donc par une information quantitative, précise et universelle.
Hormis les cas (tels que grossesse, travail sur machines dangereuses) où la recommandation « Zéro alcool » s’impose, il faut définir des repères de « consommation à moindre risque » calculés sur des bases épidémiologiques, sachant que, en raison de la variabilité individuelle de sensibilité à l’alcool, ces repères ne garantissent pas l’innocuité à 100 %.
L’Organisation mondiale de la santé a déjà préconisé des repères, mais calculés sur la notion de « verres standard ». Une notion qui ne convient toutefois que pour la verrerie utilisée dans des lieux publics (café ou restaurant), effectivement adaptée à délivrer la même quantité d’alcool, quelle que soit la boisson. Mais cette consommation ne représente qu’une fraction de la consommation globale, et la quantité d'alcool par verre varie sensiblement selon les pays.
C'est pourquoi nous avons, dès 2006*, préconisé d'utiliser les « unités d’alcool », une unité correspondant à 10 g d’alcool. Nous aurions pu choisir le gramme, mais les taux d'alcoolémie sont déjà exprimés en grammes d'alcool. Sans compter que l’alcool n’a rien à voir avec les nutriments dont la teneur est elle aussi indiquée en gramme sur les étiquettes.
La priorité, l’étiquetage.
L'unité d'alcool est une mesure simple et efficace. Certains producteurs et distributeurs l'utilisent déjà sur leurs sites pour informer pratiquement les consommateurs On sait qu’il ne faut jamais dépasser 4 unités lors d’une consommation ponctuelle et que, pour les consommateurs réguliers, une femme ne doit pas dépasser en moyenne 2 unités par jour, et un homme 3 unités. Toutefois les unités d’alcool ne sont pas systématiquement utilisées et pas toujours suffisamment explicitées. Seuls les pouvoirs publics pourraient imposer une véritable harmonisation, comme l’a demandé, en juillet dernier, le Haut Conseil de la santé publique.
Il faut donc en priorité s'attaquer à l'étiquetage. Le contenu exprimé en unités d’alcool doit être indiqué systématiquement et de façon très lisible sur tous les conditionnements de boissons alcooliques. Cette recommandation nous apparaît capitale, notamment lorsqu’on a recours à des conditionnements « prêts à boire » dont la teneur en unités d’alcool est très variable et diffère fortement de celle du verre-standard de la même boisson consommée dans un lieu public. De même, l’indication systématique de la quantité d’unités d’alcool sur l’ensemble des boissons est indispensable quand on consomme plusieurs variétés de boissons au cours d’une occasion ponctuelle ou d’une journée.
Une campagne nécessaire.
Dans sa présentation du deuxième plan Cancer, le président de la République, suivant l’avis de l’Académie de médecine, a annoncé qu’à partir de 2011 la quantité d’alcool devra être indiquée sur tout conditionnement de boissons alcooliques, afin de mieux maîtriser la consommation d'alcool, facteur majeur de cancer. C'est nouveau, car les pouvoirs publics ne se sont guère manifestés jusqu'à présent sur le sujet. C'est encourageant, et cela va sûrement accélérer la création de la nouvelle Alliance prévention alcool, regroupant les associations de prévention et les personnalités impliquées. Aux pouvoirs publics de donner le coup d'envoi d'une grande campagne de sensibilisation.
Pour mémoire : l’alcool représente la 2 e cause de mortalité évitable pour l’ensemble de la population et la 1 re chez les jeunes en France. Pendant la grossesse, il représente la cause majeure de retard mental d’origine non génétique ainsi que d’inadaptation sociale de l’enfant. L’alcool est fortement impliqué dans l’accidentalité ainsi que dans les violences familiales.
* « Alcool et modération : clarifier l’information du consommateur », Académie nationale de médecine (www.academie-medecine.fr).
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