Le médecin généraliste est au plus proche de la population. Il peut voir ses patients évoluer dans leur cadre de vie familial, professionnel et social. Ce qui explique pourquoi
il se retrouve au centre de la prise en charge des patients qui présentent un mésusage d’alcool (usage à risque, usage nocif, dépendance à l’alcool). C’est probablement le médecin de son quartier que le patient alcoolique est amené à rencontrer, même si le motif de la consultation ne concerne pas directement sa dépendance alcoolique. Constat que fait la Société française d’alcoologie dans ses recommandations : « Les médecins généralistes sont les premiers à être confrontés à la maladie alcoolique. Permettant un accompagnement de longue durée, ils sont la première ressource tant pour le sujet que pour son entourage. »
Pour les addictologues, « le conseil minimal et les interventions brèves font partie des interventions les plus simples, les moins coûteuses et les plus efficaces pour une amélioration de la santé ».
Que peut faire le médecin généraliste en cas de repérage précoce positif ?
Le conseil minimal permet de prodiguer au consommateur d’alcool un conseil de modération simple, mais structuré. Il ne prend pas plus de cinq minutes et peut être effectué par tout médecin avec remise de documents. Des études menées dans le cadre de l’OMS ont montré qu’un simple conseil de quelques minutes peut permettre une réduction d’un tiers du nombre de buveurs excessifs.
En effet, les programmes de dépistage et d’interventions brèves entraînent une baisse de la consommation d’alcool à risque ou nocive, des dommages causés par l’alcool et de la mortalité. Selon une estimation très pessimiste, pour un patient adulte tirant avantage du programme, 385 patients doivent être dépistés, ce qui demeure bien plus efficace en termes de dépistage que pour l’hypertension (1 250 patients) ou le cancer colorectal (3 300 patients). Huit patients ayant une consommation d’alcool à risque ou nocive doivent bénéficier d’un conseil pour qu’un patient tire avantage du programme, ce qui est deux fois plus efficace qu’avec le conseil minimal prodigué pour arrêter de fumer. Il faut proposer une intervention brève chez 282 patients pour prévenir un décès par an : c’est un bénéfice énorme.
L’OMS a estimé qu’une intervention brève réalisée par un médecin, chez 25 % de ses patients concernés par une consommation à risque, épargnerait 91 années de morbidité et de mortalité prématurées pour une population de 100 000 personnes, c’est-à-dire 9 % de la morbidité et de la mortalité prématurées induites par l’alcool.
Des interventions brèves en cinq étapes
Les interventions peuvent être décrites en référence à la démarche en cinq étapes de relation d’aide comportementale :
– évaluer la consommation d’alcool du patient à l’aide d’un instrument de dépistage rapide, puis d’un examen clinique si nécessaire ;
– conseiller au patient de réduire sa consommation en deçà des seuils à ne pas dépasser ;
– s’entendre avec lui sur un objectif personnel de réduction ou d’arrêt complet de consommation (si l’abstinence est préférable et indiquée dans son cas) ;
– aider le patient à trouver des motivations, à s’autonomiser ou à obtenir le soutien nécessaire à la modification de son comportement ;
– programmer un suivi de soutien et des séances de relation d’aide répétées de conseils, cela incluant bien sûr l’orientation des personnes alcoolodépendantes vers un spécialiste.
Aussi, toutes les interventions qui ont permis des améliorations statistiquement significatives en ce qui concerne les conduites d’alcoolisation des patients – et quelle que soit l’ampleur de ces améliorations – ont inclus au moins deux des trois éléments clés suivants : restitution au patient des résultats de son test de repérage, conseil délivré par le soignant, puis définition d’un objectif en concertation avec le patient. Des études ont fait état de la personnalisation des interventions à chaque participant comme facteur favorisant la réussite du traitement.
Oui, mais… si la maladie alcoolique entre dans le champ d’intervention du médecin généraliste, il est parfois confronté à des situations qui le mettent en difficulté.
Aussi, comme le rappellent les recommandations de la SFA, « afin d’accroître l’expérience et l’efficacité des médecins généralistes dans le traitement des problèmes liés à l’alcool,
il est nécessaire d’assurer une information, une formation et un environnement de travail qui leur permettent de se sentir soutenus pour renforcer leur confiance et leur engagement. Car repérer un mésusage d’alcool est efficace et pertinent en médecine générale ».
Sources
1. Anderson P et al. INCa (trad.) INPES. Paris, 2008 ; 141 p.
2. Société française d’alcoologie. Alcoologie et addictologie 2015 ; 37 (1) : 5-84.
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