Le baclofène a un effet positif dans la réduction de la consommation d’alcool chez les patients alcoolodépendants, confirment les derniers résultats des essais français Alpadir et Bacloville, présentés ce vendredi à Paris lors des troisièmes journées de la Société française d’alcoologie (SFA).
Menée auprès de 320 patients, l’étude Alpadir montre une réduction significative de la consommation d’alcool, de l’ordre 55 grammes par jour (vs - 44 g pour le groupe placebo). Chez les patients les plus à risques, l’impact s’avère davantage marqué (- 89 g/j vs -74 g dans le groupe placebo). Des différences avec le placebo « non statistiquement significatives », commente le Pr Reynaud, coordonnateur de l’essai qui note qu’« Alpadir n’a pas la puissance statistique nécessaire pour évaluer la réduction de la consommation ». Dans la lignée des résultats dévoilés en 2016, lors du congrès mondial d’alcoologie à Berlin, l’essai « Bacloville », mené également auprès de 320 patients va dans le même sens qu’Alpadir, avec une réduction de la consommation d’alcool de l’ordre de 56,8 % dans le groupe baclofène contre 35,8 % pour le placebo.
Dimension sociale
En matière de jours d’abstinence, le Pr Philippe Jaury, coordinateur de l’essai souligne « une différence significativement positive en faveur du bras baclofène », tous les mois, dès le 1er mois. Sur ce même critère d’abstinence à l’alcool, Alpadir n’a en revanche pas mis en évidence de différences significatives entre les groupes baclofène et placebo. « La communication et la perception sociale autour du baclofène ont profondément changé chez les médecins comme chez les malades », constate le Pr Reynaud. « Les patients avaient plus tendance à réclamer une réduction de la consommation et les médecins ne les poussaient pas à rester absolument abstinents (durant l’essai) », ajoute-t-il. Au final, seulement 10 % d’abstinents sont recensés dans la cohorte Alpadir. Si l’effet placebo apparaît important dans ces études, « on s’en réjouit », glisse le Pr Reynaud. « On a intérêt à avoir un médicament, même modérément actif, qui permette la croyance du patient en sa prise en charge », poursuit-il.
Tâtonnements sur le dosage
Interrogés au sujet de la dose efficace de baclofène chez ces patients alcoolodépendants, les Prs Reynaud et Jaury reconnaissent que le sujet est loin d’être réglé. « Pour la plupart des patients, ça se situera entre 90 et 180 mg », estime le Pr Reynaud. Chez un petit nombre de patients, « il pourra être intéressant d’aller au-dessus des 180 mg. Mais même si l’on monte à 300 mg, cela n’est pas forcément efficace », ajoute-t-il. « Est-ce que l’on fait perdre des chances à un patient en n’augmentant pas les doses, ou ne les faisant pas passer par autre chose comme l’abstinence ? », interroge le Pr Reynaud. À ses yeux, il s’avère préférable de commencer par un sevrage avant d’envisager une prise de baclofène.
Effets indésirables
Sur le volet des effets indésirables, les essais Alpadir et Bacloville mettent surtout en évidence des états de somnolence, vertiges, troubles du sommeil, douleurs et paresthésie, céphalée, acouphène, contractions musculaire et troubles de l’attention. « La question des effets indésirables n’est pas résolue », considère le Pr Reynaud. Le faible nombre de patients sous baclofène dans ces essais (160), s’avère « insuffisant pour faire le tour du sujet », relève l’addictologue. « Je ne suis pas persuadé que c’est le nombre de milligrammes qui fait les effets secondaires », confie pour sa part le Pr Jaury qui insiste sur la nécessité de poursuivre les recherches sur des sous-groupes. Dans l’attente des résultats de l’étude CNAMTS-ANSM portant sur la sécurité du baclofène, et des rapports définitifs des deux études cliniques, Alpadir et Bacloville, l’ANSM a renouvelé la RTU du médicament pour une durée d’un an.
Les conditions ont été assouplies et entrent en vigueur dès ce vendredi. Le baclofène pourra désormais être prescrit en première intention dans les deux situations suivantes : aide au maintien de l’abstinence après sevrage et réduction de la consommation d’alcool. La prescription du baclofène n'était jusqu'ici autorisée qu'après échec des autres traitements disponibles. La prudence est toutefois recommandée en cas de prescription à des patients présentant des troubles psychiatriques en raison d'un risque d'aggravation et chez les patients épileptiques.
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024
La myologie, vers une nouvelle spécialité transversale ?