« GROSSESSE ET TABAC : en finir avec les idées reçues » : sur ce thème, décliné à travers 2 DVD, l’un conçu pour le grand public, l’autre destiné aux médecins et aux sages-femmes, l’APPRI-Maternité sans tabac lance aujourd’hui une campagne nationale de sensibilisation, la première du genre.
Actuellement, 350 des 580 maternités, dont les deux tiers publiques, où se déroulent 70 % des 830 000 naissances annuelles sont signataires de la Charte sans tabac portée par la conférence de consensus des 5-6 octobre 2004 de l’Agence d’accréditation et d’évaluation en santé (devenue la HAS). On enregistre ainsi 35 000 mesures par an du monoxyde de carbone (CO) dans l’air expiré chez les femmes enceintes. Un millier d’analyseurs environ, vendus 300 euros pièce, sont utilisés chacun pour 200 accouchements. Une criante insuffisance de moyens, d’autant que la direction générale de la Santé vient de suspendre les 100 000 euros alloués annuellement à l’APPRI afin de développer cette opération de santé publique, associée à la formation d’un « référent » par établissement.
Dans la perspective de passer à la vitesse supérieure, l’APPRI, soutenue financièrement par Family Service (voir encadré), met à la disposition des 6 000 gynécologues-obstétriciens, 20 000 sages-femmes, 50 000 généralistes, qui font les déclarations de grossesse,et 10 500 anesthésistes-réanimateurs (péridurale) un DVD de 15 minutes,« Le sevrage tabagique » (5 euros). L’association espère les inciter à effectuer 100 000 mesures de CO en 2009. « La fumée nuit plus que le tabac lui-même », fait remarquer au « Quotidien » le Pr Michel Delcroix, président de l’APPRI. Les cigarettes d’eucalyptus dépourvues de nicotine, vendues en pharmacie hier encore, en témoignaient.
Un déni médicalement assisté.
« La plupart de mes confrères gynécologues-obstétriciens et des sages-femmes qui n’effectuent pas de contrôle du CO s’isolent dans l’ignorance, ce que je qualifie de déni médicalement assisté », affirme le spécialiste, responsable du programmeMaternité au sein du Réseau hôpital sans tabac*. Sans compter que les femmes dépendantes au tabac ont plus de risque de l’être également à l’alcool et/ou au cannabis. « Les joints, comme le tabac à rouler, produisent d’ailleurs plus de CO que les cigarettes ordinaires. » « Jusqu’à 1 ou 2 ppm, l’oxygénation ftale est optimale, donc normale. Au-delà de 20 ppm se dessine une hypoxie importante en raison d’un taux de carboxyhémoglobine supérieur à 5 %. À ce stade, une oxygénothérapie hyperbare en caisson permet de réduire le risque de séquelles neurologiques chez l’enfant à naître. Plus tôt on porte un diagnostic, plus vite on traite par substituts nicotiniques (300 euros sur 3-4 mois) ou thérapie cognitivo-comportementale (600 euros) », insiste le Pr Delcroix, qui demande un remboursement intégral par l’assurance-maladie.
Selon une étude publiée dans le mensuel américain « Preventive Medicine » (C. Gomez, 2005), 7 % des enfants de mères fumeuses non aidées naissent avec un taux de carboxyhémoglobine dépassant 5 %. En France, le nombre de bébés de mère fumeuse nés avant 7 mois de moins de 1 000 g a triplé au cours des quinze années écoulées, pour atteindre 2,5 pour 1 000 naissances, soit 2 000 nouveau-nés par an. Le tabagisme de la mère apparaît, en outre, comme la première cause évitable dans la mort subite du nourrisson (340 décès annuels). « Il va sans dire qu’il convient de former les professionnels de santé ». Chaque année un millier d’entre eux suivent, pour l’instant, le programme de FMC de l’APPRI.
Un deuxième DVD,« Une vie sans tabac » (15 minutes, 5 euros), est destiné aux familles. Dans le même temps, l’APPRI entend donner un second souffle à la réhabilitation de l’allaitement chez les femmes qui fument. « Une fumeuse qui allaite n’entraîne aucun danger éventuel. Le monoxyde de carbone passe dans le sang, mais pas dans le lait. ». Et, le Pr Michel Delcroix de conclure que « si la grossesse ne s’apparente pas à une maladie, en revanche la femme enceinte fumeuse réclame une prise en charge ad hoc », sans quoi la porte reste ouverte à une hypoxie ftale fatale, jamais à exclure.
* Le Pr Michel Delcroix, expert judiciaire près la cour d’appel de Douai, est l’auteur du « Que sais-Je ? » « La grossesse et le tabac » (PUF, 2007)
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