Le 17 octobre 2016, s'ouvrait, dans des locaux attenants à l'hôpital Lariboisière (AP-HP), la salle parisienne de consommation à moindre risque. Trois mois après, le président de l'association Gaïa, le Dr Jean-Pierre Lhomme, nous fait un point d'étape. Entretien.
LE QUOTIDIEN. – Est-il déjà possible de dresser un premier bilan ?
Dr Jean-Pierre LHOMME – Il serait prétentieux et peu rigoureux de parler de bilan à seulement 3 mois. Il s'agit plus d'un point d'étape encourageant. Nous pouvons faire un constat : 170 à 220 passages par jour. Ce sont donc 8 000 injections qui n'ont pas eu lieu dans l'espace public. On compte aussi 5 000 passages pour récupérer du matériel d'injection ou pour du conseil. Cela représente une file active de 500 personnes, ce qui est acceptable.
Vous attendiez-vous à une montée en charge aussi rapide du dispositif ?
Oui et non. Dès le premier jour, 65 personnes sont venues. Ces premiers usagers ont progressivement informé leurs connaissances. Il s'agit en partie d'usagers que l'on connaissait dans notre CAARUD (centres d'accueil et d'accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues) ou qui viennent d'autres CAARUD parisien, et en partie des consommateurs qui n'étaient intégrés à aucun dispositif.
On ne peut pas encore faire d'étude sociologique, mais nous n'avons pas que des usagers précarisés. Certains sont socialement bien intégrés mais l'offre proposée par la salle de consommation leur convient mieux.
Quelle offre médico-sociale a été mise en place depuis 3 mois ?
En ce qui concerne l'activité médicale, les consultations médicales infirmières sont en place. Nous pratiquons des tests rapides d'orientation diagnostique (TROD) du VIH et du virus de l'hépatite C (VHC) depuis un mois et demi. Nous avons déjà découvert des contaminations par le VHC. Nous avons aussi utilisé le fibroscan mobile de notre CAARUD.
Le diagnostic du VHC permet d'entamer une discussion autour du passage à des modes de consommation moins risqués, voire à des produits de substitution. La présence de postes d'inhalation favorise également le basculement de l'injectable vers le fumable, qui présente moins de risque. Nous pouvons aussi compter sur nos relais en soins somatiques, en addiction et en psychiatrie. Nos partenaires répondent rapidement à nos sollicitations. On est dans le mûrissement de l'intentionnalité de soin avant le passage du consommateur dans des structures ad hoc.
Pour ce qui est du volet social, nous sommes un peu débordés par les demandes d'hébergement. Nous recevons aussi beaucoup de demandes d'aide à la récupération des droits. Cela représente 6 à 8 consultations par jour pour l'assistante sociale. Un atelier créatif Labo Fabrik existe désormais, au cours duquel les usagers fabriquent des objets destinés à la vente. Nous avons aussi des contrats de faibles durées qui ont été signés dans le cadre de dispositifs « les premières heures ».
Vous êtes ouverts 7 jours sur 7, de 13 h 30 à 20 heures. Est-ce suffisant ?
Cette plage horaire, le budget et le personnel dont nous disposons nous permettent d'accueillir jusqu'à 350 visiteurs par jour dans de bonnes conditions, mais notre fenêtre de tir reste étroite et il est parfois un peu compliqué de faire face à de grosses intensités de travail.
Même les riverains qui appellent sur le numéro de téléphone* qui a été spécifiquement mis à leur disposition déclarent qu'ils aimeraient nous joindre sur des plages horaires plus larges.
À ce sujet, comment évoluent les relations avec les riverains ?
L'assise de la salle de consommation reste fragile. Il faut continuer le travail d'acceptation. Il y a eu une réunion du comité de voisinage, et les riverains nous font part des petits dysfonctionnements.
* Une ligne téléphonique dédiée aux riverains (07.62.49.93.45) a été mise en place pour assurer la liaison entre les habitants du quartier et l'équipe en charge de la salle.
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