« Votre question est indigne ! Fermez-la ! » « Pourquoi ne rendrez-vous pas publics vos liens d'intérêt avec Indivior ? » « C'est de la diffamation ! » On s'attendait à des échanges tendus. L'audition (disponible ici en intégralité) de la commission ad hoc réunie par l'ANSM afin d'émettre un avis sur la demande d'AMM du baclofène dans l'indication du traitement de l'alcoolodépendance n'a pas déçu.
Ces saillies mises à part, les personnalités auditionnées étaient plus ou moins toutes en faveur d'un avis positif sur le dossier d'AMM. Une opinion générale prise à contre-pied par la commission. Dans son avis publié jeudi, celle-ci se déclare « favorable à l’utilisation du baclofène chez les patients alcoolo‐dépendants », mais « défavorable à la demande d’AMM telle que proposée par le laboratoire Ethypharm ». Le dossier scientifique déposé par ce dernier a en effet été jugé peu solide, au contraire des expériences de terrain remontées par les médecins et associations interrogés au cours des deux journées d'audition.
« Pour la première fois, nous avons la possibilité de rendre des patients indifférents à l'alcool », a expliqué lors de son audition Samuel Blaise, de l'association Olivier Ameisen. Concernant la question du rapport bénéfice risque : « Depuis 10 ans, 450 000 patients sont morts de l'alcool. De combien de morts liés au baclofène avez-vous entendu parler sur la même période ? », demande le Dr Bernard Jousseaume, président de l'association Aube. Plus réservé, Jean-Claude Tomczak de la Coordination des associations et mouvements d'entraide reconnus d'utilité publique, a fait part de son expérience personnelle. « Nous n'entendons plus beaucoup parler du baclofène, sauf de la part de patients qui veulent arrêter d'en prendre, raconte-t-il. En revanche, beaucoup de patients ont rechuté après avoir commencé un traitement, car on leur a dit qu'ils pouvaient maîtriser leur consommation avec du baclofène. »
De leur côté, les sociétés savantes ont délivré un avis positif sur l'utilisation du baclofène dans l'alcoolodépendance. C'est le cas de l'Association française de psychiatrie biologique et neuropsychopharmacologie, du Conseil national professionnel de psychiatrie, de la Fédération française d'addictologie et de la Société française d'alcoologie. Celles-ci estiment que le baclofène peut être prescrit par des psychiatres dans l'indication de l'alcoolodépendance.
Un avis calqué sur la RTU actuelle
Que propose la commission ? Que l’utilisation du baclofène puisse se poursuivre après échec des thérapeutiques disponibles, avec pour objectif la réduction de la consommation d’alcool, selon les règles actuellement en vigueur dans la RTU mise en place par l'ANSM. Celles-ci stipulent qu'une prescription est possible par les médecins généralistes jusqu’à 80 mg/jour avec une prise en charge pluridisciplinaire spécialisée en addictologie au-delà.
Comme cela a été suggéré par la majorité des personnalités auditionnées, la commission estime que la prescription de baclofène doit être associée à une prise en charge psychothérapeutique et/ou psychocorporelle et/ou sociale, systématique. L’ensemble des intervenants s'accorde sur un point : la nécessité d'une prise en charge psychosociale.
Les associations presque unanimes
L'importance des conflits dans ce dossier peut étonner. En fait, « le baclofène est un cas très particulier où règne depuis le début une conflictualité importante, reconnaît le président de l'ANSM, Dominique Martin. Le baclofène est largement utilisé depuis plusieurs années à la fois hors AMM et dans le cadre de la RTU. C'est pourquoi nous avons jugé important de monter cette commission ad hoc dédiée à la prise en compte de l’utilisation en vie réelle. »
Le directeur de l'ANSM devrait rendre une décision définitive concernant l'AMM du baclofène dans l'alcoolodépendance à la rentrée. « On se fondera sur cet avis ainsi que celui du CSST, sur notre analyse de la RTU, et notre expertise interne », explique Dominique Martin pour qui cette nouvelle manière de procéder par audition publique pourrait se développer. Nous avons déjà réalisé de telles auditions sur des dossiers comme les implants contraceptifs Essure ou les marques des médicaments. On va vers une forme d’institutionnalisation des auditions publiques. »
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