CRÉÉ EN FRANCE en 1960, sur le modèle des groupes américains décrits dans les articles du journaliste Joseph Kessel, le mouvement des AA semble n’avoir rien perdu de sa vigueur. Certes, il compte aujourd’hui environ 7 000 membres contre 8 000 il y a vingt ans, alors que l’alcoolisme reste un problème majeur qui provoque la mort de 45 000 Français par an. Mais le nombre de groupes continue à s’étoffer sur le territoire, frôlant les 600, et 1 600 personnes s’étaient réunies à paris pour célébrer les 50 ans. Avec la volonté tenace de relever de nouveaux défis.
« Notre main restera tendue à toutes celles et ceux qui souffrent d’un problème d’alcool dans notre société », déclare Emmanuel Palomino, psychiatre et addictologue du centre hospitalier de Jonzac (Charente-Maritime), et président du conseil d’administration des AA. En effet, la place ambivalente qu’occupe l’alcool dans notre société n’est pas sans soulever des difficultés. « D’un côté, le vin, par exemple, est valorisé. De l’autre, il est reconnu dangereux pour la santé », explique le médecin. « Nous souhaitons que l’alcool soit considéré comme une drogue légale et non comme un produit banal », poursuit-il, sans toutefois vouloir s’impliquer dans des campagnes ou des politiques publiques, respectant en cela la charte des AA.
S’ouvrir à la société, c’est aussi se faire connaître auprès des jeunes. La moyenne d’âge des membres est en effet de 53 ans. « Il est difficile, à 22 ans, de se reconnaître dépendant de l’alcool. Il faut des années pour accepter de ne plus se voiler la face », analyse Emmanuel Palomino. L’alcoolisme est une maladie lente, très différente des conduites excessives telles que le binge drinking, qui consiste à ingérer de grandes quantités en peu de temps. Mais chez les jeunes, il s’accompagne assez souvent de l’usage ou de la dépendance à d’autres produits.
Main dans la main avec l’hôpital.
Parce qu’il n’y a pas de recette miracle contre l’addiction, le Dr Palomino souhaite une plus grande communication entre le monde associatif et médical. « L’hôpital ne doit pas avoir peur d’écouter toutes les voix et chaque médecin devrait entrer en contact avec des associations ou les Centres de soins d’accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA) », déclare-t-il. Le psychiatre considère que l’aide apportée par le monde médical est différente et complémentaire du travail des associations. Si le sevrage se révèle physiquement très efficace, l’écoute, l’échange, le partage au sein d’un groupe favorisent la consolidation et l’épanouissement de la personne. « L’alcoolisme n’est pas seulement une relation pathologique à un produit, mais aussi à soi et aux autres », affirme le psychiatre. Enfin, et surtout, les acteurs de terrain ne doivent pas perdre de vue qu’il est possible de s’en sortir. « Je ne connaissais pas un seul alcoolique rétabli lorsque je restais au sein de l’hôpital, témoigne Emmanuel Palomino. Depuis mon activité aux AA, j’en côtoie des milliers. »
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