LA RÉGULATION de la structure de la chromatine a vraisemblablement un rôle important dans les aberrations transcriptionnelles observées dans le noyau accumbens (NAc) qui, elles-mêmes, sont incriminées dans les modifications du comportement associées à l’accoutumance à la cocaïne. Diverses modifications post-translationnelles des histones (acétylation, méthylation, phosphorylation) régulent l’expression génique dans les régions euchromatiques. On connaît mal, en revanche, les effets potentiels de l’exposition à la cocaïne sur la régulation de l’hétérochromatine.
Les chercheurs américains ont étudié, chez des souris, l’influence de l’administration de cocaïne sur la triméthylation de la lysine 9 de l’histone H3 (H3K9me3), qui est une des marques les mieux connues associées à l’hétérochromatine. Alors que l’administration « aiguë » (une seule dose) de cocaïne augmente les taux de H3K9me3 dans le NAc (par rapport à des animaux contrôles), l’exposition répétée (7 doses par jour) au psychotrope se traduit par leur réduction de plus de 50 % vingt-quatre heures après la dernière dose. Cet effet persiste pendant une semaine. Les altérations de l’hétérochromatinisation sont spécifiques du NAc car elles ne sont pas notées au niveau de deux autres formations limbiques impliquées dans l’accoutumance à la cocaïne (le noyau caudé et putamen et le cortex médian préfrontal).
Séquençage à très haut débit.
Afin de préciser l’impact génomique de l’exposition répétée à la cocaïne dans cette région cérébrale, l’équipe de Eric Nestler a utilisé la technique ChIP-Seq (consistant à séquencer en très haut débit des séquences d’ADN immuno-précipitées). Cette méthode confirme que la grande majorité des pics de H3K9me3 sont localisés dans des régions intergéniques (donc non-codantes) du génome. Les auteurs parviennent, en outre, à identifier certains patterns spécifiques. Ainsi la réduction de l’histone H3K9me3 liée à l’exposition à la cocaïne s’observe plus particulièrement à proximité de certains motifs géniques répétés, les rétrotransposons LINE-1 (Long Interspersed Nuclear Elements-1).
L’étude new-yorkaise apporte donc de nouveaux éléments de compréhension de l’impact de l’accoutumance à la cocaïne sur le matériel génétique, avec la mise en évidence d’une réduction durable du processus de méthylation au niveau du noyau accumbens. La diminution de l’expression de l’histone H3K9me3, qui s’accompagne d’une réduction du nombre de domaines de l’hétérochromatine, suggère que l’exposition répétée à la cocaïne déréprime des zones de chromatine normalement silencieuses, au travers de rétrotransposons spécifiques (les éléments LINE-1).
Bien que le mécanisme exact de l’action de l’accoutumance à la cocaïne sur la régulation de l’hétérochromatine reste à préciser, les auteurs émettent l’hypothèse que la dérépression de rétrotransposons au niveau du noyau accumbens pourrait altérer le transcriptome (soit les ARN messagers) de certaines populations neuronales, jetant ainsi de nouvelles lumières sur les bases épigénétiques de l’accoutumance à cette drogue.
I Maze, EJ Nestler et coll. Cocaine dynamically regulates heterochromatin and repetitive element unsilencing in nucleus accumbens. Proc Natl Acad Sci USA (2010).
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