FACE À « une crise d’une ampleur sans précédent dans un monde qui n’a jamais été aussi interdépendant », Margaret Chan se déclare inquiète. À la tribune de la 124 e session du conseil exécutif de l’OMS, réunie à Genève jusqu’au 27 janvier, elle a expliqué que « la crise financière actuelle est rapidement en train de se muer en crise économique et elle pourrait déboucher, estime-t-elle, sur une crise sociale dans de nombreux pays ». La directrice de l’OMS redoute un scénario identique à celui de la crise énergétique des années 1980. En pire : « Un effort visant à utiliser la santé pour promouvoir le développement socio-économique avait été lancé en 1978, rappelle-t-elle, qui avait été suivi presque immédiatement par la montée en flèche des prix du pétrole et par la crise de la dette. Des erreurs avaient été alors commises, qui conduisirent à la réduction des investissements budgétaires en faveur des secteurs sociaux, notamment la santé et l’éducation - des erreurs dont de nombreux pays subissent encore aujourd’hui les conséquences. »
Comme cela est aussi arrivé dans le passé, elle craint également que la crise ne provoque « une montée de l’anxiété et des maladies mentales, et une augmentation de la consommation de tabac, d’alcool et d’autres substances nuisibles ». Un groupe d’experts a été chargé de statuer sur la question. Pour sa part, le Pr Michel Lejoyeux confirme que le contexte de la crise peut servir de lit aux conduites addictives (lire ci-dessous). L’enquête annuelle de l’American Psychological Association conclut déjà à l’amplification du stress et des problèmes de santé mentale sous l’effet de la crise. Et des lignes téléphoniques d’urgence pour personnes suicidaires sont saturées au Japon et aux États-Unis.
Dans ce contexte, l’OMS prévoit « l’aggravation du phénomène de paupérisation dû aux dépenses liées aux soins de santé ». Soulignant que, même en période économiquement favorable, celles-ci acculent à la pauvreté plus de 100 millions de personnes chaque année, elle estime que « les plus vulnérables risquent d’être touchés : les pauvres, les marginalisés, les enfants, les femmes, les handicapés, les personnes âgées et tous ceux qui souffrent de maladies chroniques ». Le Dr Chan exhorte les États à « mettre en place d’urgence de meilleurs systèmes de sécurité sociale pour protéger les plus vulnérables, dans les pays riches comme dans les pays pauvres ».
L’OMS rappelle que des systèmes de santé robustes sont essentiels pour maintenir la capacité de surveillance et d’action face aux menaces de pandémie. Les investissements insuffisants consentis en faveur des systèmes de santé dans les années 1980 expliquent, selon elle, pourquoi les pays d’Afrique ont été si mal préparés pour faire face à la pandémie de VIH/sida au cours de la décennie suivante.
Mme Chan craint particulièrement la saturation des infrastructures publiques de santé, les patients ayant tendance à se détourner du secteur privé de la santé pour recourir davantage aux services publics, déjà largement débordés et insuffisamment financés dans beaucoup de pays.
Pour sa part, le représentant de la Banque mondiale auprès de l’ONU, Richard Newfarmer, prévoit que les mesures d’austérité mises en uvre, d’ici 2011, par les gouvernements ne creusent les déficits budgétaires au détriment des dépenses sociales ». Pour freiner cette tendance, il juge « très important » le « maintien de l’aide consacrée par les pays industrialisés au pays en développement ».
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