VANNES, comme d’autres villes bretonnes, est à la pointe de l’expérimentation pour la prise en charge en ambulatoire des IPM. Un engagement régional logique, puisque la « biture express », qui existe dans toutes les villes étudiantes, frappe ici 26 % des jeunes, qui s’alcoolisent sévèrement au moins trois fois par mois, contre 19,7 % en moyenne nationale, selon une récente étude de l’OFDT (Observatoire français des drogues et toxicomanies). Des jeunes repêchés les soirées du jeudi, du vendredi ou du samedi en IEA (intoxication éthylique aiguë), dans les rues du centre-ville, après avoir fait couler à flot bières et autres cocktails détonants.
« Nous sommes sur le point de finaliser un accord avec la ville et la préfecture, annonce le Dr Éric Ribue, président de SOS Médecin Morbihan. En intervenant directement au commissariat pour délivrer un certificat de non-hospitalisation (CNH), avant la mise en cellule de dégrisement, nous éviterons un aller-retour fastidieux et chronophage à l’hôpital. » Pour le praticien, tout le monde gagne à supprimer le passage par la case des urgences. À commencer par l’hôpital : « Nous le délestons de patients souvent agressifs qui perturbent la bonne marche de services déjà débordés. » Les forces de l’ordre sont aussi intéressées : « Chaque jeune doit être conduit à l’hôpital, en général menotté, par deux fonctionnaires de police qui restent là le temps nécessaire, parfois plusieurs heures selon les priorités du service. » Les étudiants eux-mêmes seraient mieux suivis : « Aux termes de notre accord, nous les voyons dans l’heure, à l’intérieur d’une salle de soins du commissariat où ils ne sont pas entravés. Bien sûr, en cas de doute, nous les faisons admettre immédiatement à l’hôpital. »
DES QUESTIONS DE RESPONSABILITE MEDICALE ET DE SECURITE
Pour le Dr Ribue, cette intervention au poste dans le cadre d’une mission de service publique, procède parfaitement du métier d’urgentiste ambulatoire. « Nous disposons, souligne-t-il, de tous les moyens pour faire l’examen clinique aussi bien que l’interne de garde : électro, perfusion, aérosols, matériel pour entuber, nous réalisons des mesures de saturation en oxygène et de glycémie, en étant très attentifs aux antécédents. »
Maire adjointe en charge de la sécurité, Anne-Marie Duro attend beaucoup de ce partenariat avec SOS « pour calmer les troubles sonores, réduire les attentes et donc diminuer les accidents graves ». Elle précise que Vannes a budgété 5 000 euros dans cette opération. Mme Duro veut croire que l’ambulatoire assurera une meilleure prise en charge que l’hôpital et elle se recommande de l’exemple d’autres villes qui ont adopté cette organisation de l’urgence des « bitures express », telles Rennes et Lyon.
Expériences à Rennes et à Lyon.
À défaut d’une stratégie nationale de santé publique, compte tenu du laconisme des textes, des expériences sont tentées au coup par coup selon les départements. Les démarches sont quelque peu titubantes : les HCL (Hospices civils de Lyon) indiquent que les IPM ont été gérés trois mois l’an dernier les médecins de SOS, de juin à septembre, sans que les services d’urgence ne signalent le moindre bénéfice lié à ce transfert. À Rennes aussi, l’ambulatoire a pris le relais de l’hôpital en 2009. Pour un retour aux urgences en janvier et une nouvelle convention avec SOS qui devrait prendre effet dans les prochaines semaines. Mais une autre organisation pourrait bien être retenue par la suite, avec l’intervention du praticien de garde du service de médecine légale. Cette garde 24 heures/24, tout en soulageant les urgences, permettrait de réaliser de substantielles économies, alors que SOS facturerait 75 euros la visite pour IPM. Selon le calcul effectué par une mission interministérielle*, le coût net d’une procédure d’IPM se monterait à près de 225 euros.
En termes statistiques, le problème implique chaque année 70 000 personnes, un chiffre en croissance régulière, selon la mission interministérielle. Au CHU de Rennes, 700 IPM sont totalisées chaque année sur 51 000 passages aux urgences. « La proportion peut paraître limitée, mais, note le Dr François-Jérôme Kerbiles, ces patients sont susceptibles d’être agités et agressifs. Ils ne sont pas vus en priorité et, les soirs où sont admises des personnes gravement accidentées, ils sont le cadet de nos soucis. Pourtant, l’IPM représente un examen casse-gueule, souvent confié à un interne. Alors qu’il ne s’agit pas juridiquement d’une réquisition, en cinq minutes, dans un box, il faut établir un certificat qui vaut décharge de responsabilité pour les forces de l’ordre, au sujet d’un patient qui ne demande rien. Les personnes sont ensuite conduites en dégrisement où elles ne bénéficient d’aucune surveillance médicale. Le pire peut alors arriver. L’an dernier, l’une d’elles a été retrouvée décédée au petit matin. Ces affaires font les manchettes de la presse locale. »
Une architecture inadaptée aux pathologies graves.
L’état d’IPM peut recouvrir en effet des pathologies graves (lire encadré), pour lesquelles l’architecture de la prise en charge, entre le temps policier, le temps médical et le temps judiciaire, n’est pas adaptée. L’ambulatoire serait encore la moins mauvaise solution, selon la mission interministérielle, qui « recommande d’encourager un recours à la médecine ambulatoire pour réaliser l’examen médical et ce, de façon à éviter un passage aux urgences hospitalières à la fois coûteux en temps de déplacement et d’attente ». Les examens d’IPM, dans ces conditions, pourraient être « inclus dans la PDS organisée par les préfets afin qu’ils soient effectués sur les lieux de rétention ».
Les avis sont cependant partagés. Les démarches isolées. À Paris, l’AP-HP ne semble pas s’être saisie du dossier. « Nous avons vocation à intervenir, car c’est la mission de SOS de faire face à toutes les urgences qui ne relèvent pas du 15 », insiste le Dr Alain Davaine, président de SOS 35 (Ille-et-Vilaine), convaincu d’apporter la bonne réponse. « En cas de pépin, c’est l’absence de surveillance médicale qui fait de toute manière problème », souligne le Dr Kerbiles. « Face à la férocité grandissante de la vie estudiantine, observe le Pr Mariannick le Gueut, directrice de l’Institut médico-légal de Rennes, l’encadrement de l’IPM reste trop flou, il est source de difficultés tant sur le plan juridique, criminologique que sur celui de la médecine et de la santé publique. »
* Rapport interministériel inspection générale de l’administration, inspection générale des Affaires sociales, inspections générales des Services judiciaires et Gendarmerie nationale, février 2008
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