LE QUOTIDIEN : Pourquoi l'INCa s'adresse-t-il spécifiquement aux cancérologues ? Ne sont-ils pas assez mobilisés sur l'arrêt du tabac ?
Dr JÉRÔME VIGUIER : L'INCa s'adresse en particulier aux cancérologues et plus largement aux équipes de cancérologie pour réaffirmer que l'arrêt du tabac est un élément important du traitement, et ce, dès le début, avant la chirurgie, et quelle que soit la localisation du cancer. Tous les professionnels de santé sont donc concernés, pas seulement ceux qui s'occupent du poumon ou de la sphère ORL.
Contrairement aux idées reçues, le temps de l'annonce est un moment privilégié pour discuter de l'arrêt du tabac. Les médecins sont parfois réticents et n'osent pas « embêter » leurs patients confrontés à un diagnostic difficile, alors qu'ils se préparent à un traitement lourd. Paradoxalement, les patients sont souvent très réceptifs.
Il y a 22 % des patients qui fument au moment du diagnostic. Un fumeur a 80 % de chances d'arrêter s'il reçoit l'aide d'un professionnel et un accompagnement médicalisé. Les professionnels de santé sous-estiment l'impact qu'ils peuvent avoir ; ils pourraient davantage investir ces aspects de prévention tertiaire.
En quoi l'arrêt du tabac est-il un élément du traitement du cancer ?
L'arrêt du tabac est important pour réduire les risques péri-opératoires, les infections, les retards à la cicatrisation, les complications respiratoires. Cela permet également de réduire certaines toxicités liées aux traitements, les mucites, les nécroses de certains tissus, les complications gastro-intestinales. C'est un moyen d'améliorer le pronostic, tandis que continuer à fumer majore le risque de développer un nouveau cancer, le tabac étant responsable de 17 localisations de cancer ! Plusieurs études montrent enfin que cela améliore la qualité de vie physique et psychique des patients atteints de cancer.
Que doivent dire les médecins à leurs patients ?
Les médecins doivent d'abord recueillir systématiquement le statut tabagique de leur patient et l'inscrire dans le dossier. Ils doivent ensuite délivrer un conseil d'arrêt clair et personnalisé. On ne leur demande pas forcément d'assurer le suivi du sevrage mais de veiller à ce qu'il soit initié. Quant aux patients qui ont récemment arrêté, les médecins doivent proposer un soutien pour éviter qu'ils ne replongent.
Surtout à l'égard des plus réticents, les professionnels de santé doivent leur faire sentir qu'ils ne sont pas seuls. Il existe de multiples intervenants : les personnes ressource de l'établissement, le médecin traitant, les tabacologues de proximité, les services en ligne, comme le coaching proposé par Tabac info service, le soutien psychologique, etc. sans oublier que les substituts nicotiniques sont remboursés à hauteur de 150 euros pour les patients atteints de cancer. Et si un patient souhaite arrêter en utilisant la cigarette électronique, il doit être soutenu dans sa démarche, car passer du tabac à la e-cigarette réduit substantiellement les risques pour la santé.
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