L'Assemblée générale extraordinaire des Nations unies (UNGASS), réunie à New York, a voté mardi 19 avril un texte de 27 pages de recommandations pour lutter contre le trafic de drogue et les conduites addictives. Le texte, qui met davantage l'accent sur la prévention et le traitement constitue une étape intermédiaire pour le rapport final prévu pour 2019.
L'assemblée a été convoquée à la demande des présidents de la Colombie, du Guatemala et du Mexique. Ces pays d'Amérique latine sont en effet à la pointe d'un changement de cap au sein des organismes internationaux, vers plus de prévention et de prise en charge médicosociale, et moins de répression. « Avec les ONG, ils ont notamment demandé l'interdiction de la peine de mort et des châtiments inhumains suite aux délits liés à la possession et la consommation de drogue », précise Danièle Jourdain-Méninger, présidente de la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (MILDECA), qui a soutenu ces demandes.
Un changement timide mais historique
Ces espoirs ont été en partie déçus : l'interdiction de la peine de mort n'a ainsi pas été introduite dans le texte suite à l'opposition de15 pays, dont la Chine, l'Iran ou l'Indonésie. Le représentant indonésien, s'exprimant aussi au nom de plusieurs autres pays (Singapour, Arabie saoudite, Chine, Iran, Pakistan, Égypte, Soudan) a d'ailleurs rappelé que chaque État avait « le droit souverain de décider de son système judiciaire ». Le terme de réduction des risques n'a pas non plus été retenu dans la nouvelle résolution « au profit de celui de réduction des conséquences néfastes de la consommation abusive de substances » note Nathalie Latour, déléguée générale de la Fédération addiction, également présente à New York. « Le texte évoque aussi pour la première fois la garantie d'accès aux traitements de substitution et aux programmes d'échange de seringues », ajoute-t-elle.
Si le changement semble timide, ce texte s'inscrit dans une révolution paradigmatique de l'ONU qui se débarrasse progressivement des oripeaux de l'héritage nixonien de la « guerre contre la drogue ». Le mouvement est cependant trop lent pour certains observateurs. « L'UNGASS est un rendez-vous manqué », regrette l'homme d'affaires britannique Richard Branson, lors d'une conférence de presse tenue ce jeudi par la Commission sur la politique globale des drogues, une organisation soutenant activement la décriminalisation et la promotion de la réduction des risques. « C'est un texte long, plein de rhétorique et vide de substance qui ne rentre pas dans les critères de l’OMS et n'est pas aligné sur les objectifs du millénaire pour le développement, poursuit le patron de Virgin, il ne dit rien sur la régulation, et la réduction des risques. »
Le blocage asiatique
Pour les membres de la commission, le fond du problème vient de la première version du texte écrite en 2015 par les 53 membres du CND (la commission des stupéfiants de l'ONU), dont la Chine, l’Iran, la Russie connus pour leurs vues très répressives de la question. « Pus de 200 ONG et acteurs de la société civile ont été exclus des débats. Beaucoup d’ONG n’ont même pas pu venir à New York », précise Richard Bronson. Pour le Pr Michel Kazatchkine, envoyé spécial du secrétaire des Nations unies en Europe de l'Est pour les questions touchant au VIH, « la prohibition est une barrière à l’accès à la réduction des risques et, dans certains cas, aux antalgiques. Plus de 30 ans après que la réduction des risques a fait ses preuves, elle ne figure toujours pas au programme de la communauté internationale. »
Une avancée certaine mais un texte peu ambitieux
« Il y a seulement quatre ans, personne n'aurait pensé, que l'on aboutirait à un tel engagement sur l'approche socio-sanitaire », tempère Danièle Jourdain-Menninger. « On ne peut pas considérer qu’il n’y a pas d’avancée, constate pour sa part Nathalie Latour, la partie santé publique est considérablement étoffée, mais après plusieurs jours de débats, on se demande pourquoi le texte n'est pas plus ambitieux : il y a une majorité croissante de pays favorables à cette nouvelle approche. »
L'UNGASS a mis en évidence 3 blocs : les pays sud-américains prônant une décriminalisation de l'usage, voire une réglementation encadrée des drogues « douces » comme le cannabis, les pays asiatiques et africains opposés à un moratoire sur la peine de mort et, au milieu, l'Union européenne adoptant une position intermédiaire.
Ces dernières années, plusieurs États américains se sont engagés dans une politique d'autorisation encadrée du cannabis. Au cours de l'UNGASS, la ministre canadienne de la Santé, Jane Philpott, a annoncé que son gouvernement souhaitait légaliser la consommation et le commerce du cannabis au printemps 2017.
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