Les résultats français de l’enquête internationale Health behaviour in school-aged children (HBSC) menée pour la deuxième fois en 2014 auprès de 10 434 élèves de 11, 13 et 15 ans par L’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) pour la partie concernant l’analyse des données de consommations de produits psychoactifs confirment que « les années collège » constituent bien une période d’initiation aux usages de l’alcool.
Elle concerne un élève sur deux en classe de 6e et grimpe à huit élèves sur dix en 3e. De fait, la répétition des usages de l’alcool augmente fortement à la fin du collège : sa consommation au moins une fois au cours des 30 derniers jours évolue d’un élève sur cinq (23 %) en classe de 4e à plus d’un sur trois (37 %) en classe de 3e. Les ivresses au cours du dernier mois sont déclarées par 4 % des élèves de 4e et plus du double (9 %) en 3e.
Bien que ces données viennent confirmer la prédominance de l’expérimentation de l’alcool chez les jeunes adolescents, les niveaux mesurés entre l’enquête HBSC de 2010 et celle de 2014 indiquent cependant que les consommations et les ivresses, ou alcoolisations ponctuelles importantes (API), sont en recul, laissant penser au Docteur Emmanuelle Peyret, pédopsychiatre et addictologue au CHU Robert Debré (Paris), que « les messages de prévention ne sont pas restés lettre morte, notamment chez les filles qui y sont beaucoup plus réceptives que les garçons ». Des résultats d’autant plus encourageants que le puissant lobby des alcooliers ne baisse pas la garde. Cette année encore, aucun amendement au PLFSS 2019 ciblant fiscalement les « prémix », ces mélanges de boissons alcoolisées et sucrées qui attirent les plus jeunes, n’a été adopté. Pour le Dr Peyret, « il est affligeant de constater qu’il y a encore de la publicité pour l’alcool partout et que la loi de 2016 qui introduit le délit d'incitation des jeunes à la consommation excessive d'alcool ne soit pas ou très peu appliquée ».
Agir en amont et repenser l’approche de l’alcool
En matière de prévention de la consommation d’alcool chez les jeunes, le Dr Peyret est persuadée qu’il est urgent de « détricoter l’image de la dépendance à ce produit qui touche peu de gens dans sa forme extrême et expliquer les conséquences d’une consommation même modérée sur le long terme ». Car c’est un fait, « les consommations ponctuelles massives touchent beaucoup de gens et notamment les jeunes, même si les ados d’aujourd’hui semblent avoir entendu le message ». Au contraire des jeunes adultes qui « usent leur capital santé par des consommations trop importantes et trop fréquentes sans en avoir conscience ». Quant aux ivresses aiguës chez les très jeunes, elles existent aussi, mais sont difficilement repérables et « sont donc rarement prises en charge d’un point de vue psychologique », explique le Dr Peyret, car ces alcoolisations se font souvent dans un cadre domestique avec des produits trouvés sur place.
« L’un des points fondamentaux de la prévention se situe également en amont, lors de l’alcoolisation fœtale », insiste le Dr Peyret qui rappelle que, outre le fait que « l’alcool soit la seule drogue qui entraîne un syndrome malformatif, les enfants alcoolisés in utero sont très vulnérables face au produit ». C’est dans cette optique que le professeur Claude Lejeune a mis en place en 1998 le Groupe d’études grossesse et addiction (GEGA) dont l’objet est de promouvoir des actions de recherche, d’enseignement et de coordination en réseau des professionnels de santé confrontés au problème de l’abus de substances psychoactives pendant la grossesse. Au sein du CHU Robert Debré, le Dr Peyret met en avant le travail effectué par l’équipe de liaison d’addictologie pour les enfants, les adolescents et les femmes enceintes (ELSA) destiné à mettre en place un suivi longitudinal et très étroit des enfants qui ont été impactés, même si elle reconnaît qu’il est toujours « compliqué de faire en sorte que tous les services s’emparent de ces protocoles de repérage chez les futures mères ».
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