Les très attendus résultats des études Alpadir et de Bacloville sur l'efficacité du baclofène dans l'indication du traitement de l'alcoolodépendance, ont été communiqués lors du congrès des sociétés internationales et européennes de recherche biomédicale sur l'alcoolisme ISBRA/ESBRA qui s'est tenu à Berlin du 2 au 5 septembre.
Si l'étude Alpadir montre une absence de différence significative entre le baclofène et le placebo en ce qui concerne l'abstinence, l'étude Bacloville montre en revanche que le médicament myorelaxant réduit efficacement la consommation des patients alcoolodépendants.
Au cours de l'étude Alpadir, 320 patients adultes répartis entre un groupe baclofène (jusqu'à 180 mg/jour) et un groupe placebo ont d'abord suivi une période de titration suivie d'une période d'entretien du traitement de 17 semaines. Les auteurs visaient une dose de 180 mg/jour pour chaque patient. La consommation moyenne était de 153 mg/jour.
Une consommation divisée par 2
La consommation quotidienne d'alcool a considérablement diminué dans les deux groupes, passant de 95,5 à 40,4 g/jour dans le groupe baclofène et de 93,6 à 49,4 g/jour dans le groupe placebo. Dans le sous-groupe des plus gros buveurs (autour de 120 g d'alcool consommés par jour, soit plus de 6 verres par jour chez les hommes et 4 chez les femmes), la baisse est encore plus importante (- 89,3 g/j dans le groupe baclofène contre - 73,7 g/j dans le groupe placebo).
Les auteurs notent cependant que si la réduction de consommation est plus importante dans le groupe baclofène, la différence n'est pas statistiquement significative. L'ensemble des autres indices tenant compte de l'évolution de la consommation d'alcool étaient en faveur du baclofène, mais pas significativement : nombre de jours de forte consommation par mois, indice de qualité de vie lié à la dépendance AlQoL9, taux de Gamma-G, etc.
Les pourcentages de patients parvenant à l'abstinence étaient en revanche très faibles, et non statistiquement différents dans les deux groupes : 11,9 % dans le groupe baclofène contre 10,5 % dans le groupe placebo. « C'est un pourcentage bien plus faible que les 25 ou 30 % que l'on retrouve dans les méta-analyses sur les différents traitements de la dépendance à l'alcool », note le Pr Michel Reynaud, ancien membre du département de psychiatrie et d'addictologie des hôpitaux universitaires Paris-Sud (AP-HP), et président du fonds Actions Addictions qui a dirigé l'étude.
Il y avait un grand nombre d'événements mineurs dans les deux groupes : « 90 % des patients souffraient d'effets secondaires tels que somnolence, asthénie, pertes d'équilibre ou des insomnies, mais aucun effet secondaire important n'a été constaté », détaille le Pr Reynaud.
20 % de différence entre baclofène et placebo
Les résultats préliminaires de l'étude Bacloville, menée après de 320 patients suivis par des 60 généralistes libéraux ont également été présentés par le Pr Philippe Jaury lors du congrès. Selon cette première analyse, 56,8 % des patients prenant du baclofène, et 36,5 % de ceux du groupe placebo ont rempli le critère primaire d'évaluation, à savoir étaient parvenus à arrêter ou réduire leur consommation d'alcool. Dans cette étude, les patients étaient libres de prendre les doses qu'ils voulaient, en autant de prises qu'ils le souhaitaient. Les doses moyennes prises étaient de plus de 160 mg/jour dans le bras baclofène contre 200 dans le bras placebo. Les analyses secondaires, portant notamment sur la tolérance et l’innocuité du traitement, n’ont pas encore été effectuées et seront importantes pour interpréter complètement les résultats de cette étude.
Si les résultats d'Alpadir étaient prêts à être communiqués depuis quelque temps, ce n'était pas le cas de Bacloville dont les auteurs se sont heurtés à des difficultés méthodologiques liées au grand nombre de données enregistrées pour chaque patient. C'était néanmoins une volonté du laboratoire Ethypharm de grouper la communication des résultats des deux études. Le laboratoire a annoncé être en attente des résultats définitifs de l'étude Bacloville pour finaliser la demande d'AMM de sa reformulation du baclofène destinées spécifiquement à l'indication de la réduction de la consommation d'alcool et à son maintien.
Selon les recommandations en vigueur de la société française d'alcoologie (SFA), les médecins souhaitant prescrire des doses supérieures à 120 mg doivent faire appel à un « médecin expérimenté » ; au-delà de 180 mg par jour, c'est un « avis collégial » auprès d’un Centre de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA) qui doit être sollicité. Cette contrainte, issue de la recommandation temporaire d'utilisation (RTU) accordée par l'agence nationale de sécurité de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) jusqu'en mars 2017, a d'ailleurs provoqué le mécontentement des médecins généralistes qui se sont approprié le médicament. Une nouvelle version de la RTU sera d'ailleurs à l'étude à partir de novembre.
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