L’utilisation du baclofène à hautes doses est associée à un risque accru d’hospitalisation et de décès par rapport aux autres traitements médicamenteux autorisés pour traiter la dépendance à l’alcool, selon les résultats d'une étude publiée par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM).
Menée conjointement par l'agence, la Caisse nationale de l’assurance-maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) et l’INSERM, ce travail s'appuie sur les bases de données du Sniiram et du PMSI reliées à celle du Centre d'épidémiologie sur les causes médicales de décès (CépiDc), pour la période 2009-2015. Le baclofène a été comparé aux traitements de la dépendance à l’alcool ayant une autorisation de mise sur le marché comme l'acamprosate, la naltrexone, le nalméfène et le disulfirame.
Différence significative sur un petit nombre de patients
Aux doses faibles et modérées (inférieures à 75 mg/jour), le risque d’hospitalisation augmente – de seulement 9 % aux doses inférieures à 30 mg/jour, et de 12 % aux doses entre 30 et 75 mg/jour. Le risque de décès n'est quant à lui pas augmenté. Entre 75 mg/jour et 180 mg/jour, le risque d’hospitalisation est modérément augmenté, de 15 % par rapport aux traitements de la dépendance à l’alcool, et le risque de décès augmente de 50 %. En particulier, le risque d’intoxication, d’épilepsie et de mort inexpliquée s’accroît avec la dose de baclofène reçue.
C'est au-delà de 180 mg/jour que les différences sont les plus significatives, avec une hausse de la fréquence des hospitalisations de 46 % et un doublement du risque de décès. Les auteurs précisent toutefois que leur étude portait sur un effectif limité : un peu plus de 1 400 patients ont reçu des doses entre 180 et 300 mg/jour et 935 ont reçu des doses supérieures à 300 mg/jour.
La part des patients sous baclofène en dehors de l’indication neurologique, recevant des doses quotidiennes élevées (> 75 mg) reste faible, mais cette part a augmenté entre 2009 et 2015 passant de 3 % en 2013 à 9 % en 2015. Un peu plus de 1 % des patients ont reçu des doses de baclofène supérieures à 180 mg par jour.
L'étude met par ailleurs en évidence que deux tiers des prescriptions, soit 213 000 patients, ont été faites dans une autre indication que celles de l'AMM (traitement de la spasticité chronique) entre 2009 et 2015, principalement dans le traitement de la dépendance à l’alcool.
L'étude révèle en outre une observance assez faible, puisque seulement 10 % des patients ont pris leur traitement sans l’interrompre lors des 6 premiers mois de traitement. Plus de 4 patients sur 5 débutant un traitement avec le baclofène l’arrêtent définitivement au cours des six premiers mois d’utilisation.
La RTU bientôt modifiée
Le profil de sécurité du baclofène utilisé en dehors de l’indication neurologique est jugé « préoccupant » par l'ANSM qui s'engage « dès à présent une révision de la RTU du baclofène dans l’alcoolo-dépendance, notamment en ce qui concerne les doses administrées ». Par ailleurs, les résultats de cette étude seront pris en compte dans le cadre du dossier de demande d’autorisation de mise sur le marché (AMM) du baclofène dans le traitement de l’alcoolo-dépendance qui est en cours d’évaluation à l’ANSM.
La RTU avait déjà été modifiée en novembre 2015, suite aux critiques formulées concernant sa trop grande complexité. En mai dernier, les données finales de l'étude Alpadir avaient montré une forte réduction de la consommation d'alcool chez les patients sous baclofène, mais ce résultat n'était pas significativement supérieur à celui observé chez les patients sous placebo.
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