LE COMPORTEMENT de binge drinking est devenu préoccupant en raison de sa fréquence croissante à l’adolescence, une période de la vie où l’hyperalcoolisation peut conduire à la constitution de lésions cérébrales.
L’hippocampe, qui joue un rôle important dans la mémoire et qui est connu pour son activité dans la neurogenèse, est une structure particulièrement sensible aux lésions neurologiques induites par l’alcool. La neurogenèse hippocampique postnatale contribue, par ailleurs, de manière importante à la neuroplasticité de cette formation cérébrale. Les effets délétères du binge drinking sur l’hippocampe ont été démontrés chez le rat adulte. Pour évaluer l’impact de ce comportement d’alcoolisation à l’adolescence, les chercheurs du Committee on the Neurobiology of Addictive Disorders ont travaillé sur un modèle primate non humain, le singe Old World, chez qui il est possible d’étudier un équivalent du comportement d’ivresse. Ces animaux présentent, en outre, des taux d’alcoolémie comparables à ceux observés chez l’homme lors du binge drinking.
Dans le groupe expérimental, sept singes ont consommé jusqu’à 3 g/kg d’alcool lors de séances journalières d’une heure (1,74 g/kg en moyenne par séance) sur une période de onze mois. Les animaux étaient sacrifiés huit à dix semaines après la dernière séance de consommation d’alcool (ou d’un excipient liquide, chez les singes contrôles).
La zone sous-granulaire du gyrus dentelé.
L’exposition continue à l’alcool diminue de manière significative la croissance cellulaire dans la zone sous-granulaire du gyrus dentelé de l’hippocampe (p = 0,046). Il existe, par ailleurs, une réduction des neurones immatures « Neuro D1 » (p = 0,0035) ainsi que des neurones « PSA-NCAM » (des neurones immatures à un stade plus évolué, p = 0,01) chez les singes soumis à une hyperalcoolisation, par rapport aux contrôles. En revanche, l’apoptose neuronale (appréciée par le dosage de caspase 3 activée) n’est pas modifiée dans le groupe de singes alcoolisés, ni le nombre total de cellules granulaires hippocampiques.
L’équipe de Michael Taffe a également réussi à préciser le mécanisme d’action de l’alcoolisation sur la neurogenèse hippocampique en quantifiant, à l’aide du marqueur de prolifération Ki-67 et d’une série d’autres marqueurs, les progéniteurs de type 1, 2a, 2b et 3. Ils observent ainsi que l’alcoolisation affecte significativement les taux de progéniteurs de type 1, 2a et 2b, par rapport aux contrôles (p < 0,01), mais non ceux des progéniteurs de type 3.
Effet sur le pool des précurseurs.
Il existait, jusqu’ici, très peu de données sur l’impact de l’alcoolisation excessive sur la neuroplasticité hippocampique durant la période de l’adolescence. L’étude expérimentale des Américains, où les effets du binge drinking ont été évalués sur plusieurs mois, met en évidence une réduction durable (car observée après deux mois de retour à l’abstinence) de la neurogenèse hippocampique. Leurs résultats suggèrent que les altérations de la neurogenèse induites par l’alcool pourraient précéder la neurodégénérescence et les atteintes hippocampiques associées à l’alcoolisme de l’âge adulte. Le fait que le nombre de progéniteurs de type 1 (de type astroglial), de type 2a (préneuronal) et de type 2b (intermédiaire) était affecté, et non celui des progéniteurs de type 3 (neuronal précoce), suggère que l’alcool intervient au niveau de la division et de la migration des progéniteurs préneuronaux hippocampiques.
Le binge drinking prolongé pendant plusieurs mois semble donc capable d’affecter la neurogenèse hippocampique au travers d’un effet sur le pool de cellules précurseurs d’abord, puis par des altérations au niveau des différentes étapes de développement des progéniteurs, depuis le stade astroglial jusqu’au stade neuronal.
› Dr BERNARD GOLFIER
MA Taffe, D Mandyam et coll. Long-lasting reduction in hippocampal neurogenesis by alcohol consumption in adolescent nonhuman primates. Proc Natl Acad Sci USA (2010) Publié en ligne.
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