MÊME SI plusieurs études l’ont suggéré, d’autres se sont montrées moins affirmatives. De ce fait, le lien entre le tabagisme et la survenue d’un cancer du sein demeurait encore sujet à controverses. Mais l’étude qui paraît dans « Archives of Internal Medicine » semble apte à convaincre les réticents. Menée par des chercheurs de Harvard (Boston), Fei Xue et coll., elle confirme que le tabagisme au féminin, avant la ménopause, favorise de façon modérée la survenue d’un cancer mammaire, surtout s’il a commencé avant la première grossesse. Mais, à l’inverse, la cigarette chez la femme ménopausée confère une discrète protection.
La force du travail américain est de se fonder sur la très vaste cohorte des infirmières, la Nurses’ Health Study. Elle a suivi 3 005 836 personnes-an, sur 30 ans, entre 1976 et 2006. Cette considérable analyse a permis d’identifier 8 772 cas de cancers invasifs du sein. Après ajustement selon les divers facteurs d’erreur, le risque relatif est estimé à 1,06 % chez les femmes fumeuses, par rapport au non fumeuses. L’incidence de la tumeur est associée au tabagisme actuel ou passé, à l’âge de début de la cigarette, à la durée de l’intoxication et au nombre de paquets-année. Sur ce dernier point, le calcul montre, avant la ménopause, une légère majoration d’incidence, avec un risque à 1,11 pour chaque augmentation de 20 paquets-année. Lorsque le tabagisme a commencé avant le premier enfant le risque s’élève à 1,18 pour chaque augmentation de 20 paquets-année.
Action antiestrogénique.
Lorsque la statistique s’intéresse aux femmes ménopausées, la relation s’inverse. Le risque relatif s’abaisse à 0,93 pour chaque augmentation de 20 paquets-année. L’explication repose sur l’effet antiestrogénique de la cigarette qui abaisse davantage un taux hormonal déjà faible. À l’inverse, avant la ménopause, cette action antiestrogénique se montre insuffisante pour combattre l’effet tumorigène des estrogènes endogènes. Les Américains, enfin, ne constatent aucune relation avec le tabagisme passif qu’il ait été subi dans l’enfance ou à l’âge adulte. Mais ils précisent que l’exposition régulière à la fumée des autres majore la nocivité du tabagisme actif.
L’action délétère du tabac survient via des carcinogènes de la fumée : hydrocarbures aromatiques polycycliques, amines aromatiques et N-nitrosamines. Ces substances passent la membrane alvéolaire pulmonaire puis parviennent par voie sanguine au tissu mammaire, transportées par les lipoprotéines plasmatiques. Des métabolites de la fumée ont été mis en évidence dans des sécrétions mammaires (obtenues par aspiration) de femmes non allaitantes. Enfin, ces carcinogènes sont lipophiles, ils peuvent donc être stockés dans le tissu adipeux du sein, métabolisés puis activés par les cellules de l’épithélium mammaire.
Les auteurs concluent en précisant que des preuves de plus en plus nombreuses confirment la place des gènes du métabolisme des carcinogènes dans l’effet délétère du tabac.
Arch Intern Med, vol 171, n°2, pp.125-133.
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