« "Tacler l’utilisation nocive d’alcool" n’est pas le titre le plus original qui soit pour un rapport, mais on l’aime bien quand même. » C’est par cette phrase que le truculent secrétaire général de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), Angel Gurría, a présenté un rapport sur l’impact économique de la consommation excessive d’alcool, et les politiques de santé publique menées dans ce contexte dans les pays de l’OCDE.
Malgré une baisse de 2,5 % entre 1999 et 2002, la consommation d’alcool dans les 34 pays de l’OCDE reste au-dessus de la moyenne mondiale : 9,1 litres d’alcool pur consommés par an et par habitant, soit environ 100 bouteilles de vin ou 200 litres de bière. Le poids économique de cette consommation excessive reste très élevé, puisque ses dommages sanitaires et socio-économiques engloutiraient 1 % du PIB de l’OCDE.
Stefano Scarpetta, directeur de l’emploi, du travail et des affaires sociales de l’OCDE, précise que, parallèlement à un déclin de la consommation moyenne, « il y a eu une concentration de la consommation chez les plus gros buveurs ». En effet, ce sont 20 % des buveurs d’alcool qui consomment entre 50 % (France) et 90 % (Hongrie) de l’alcool consommé dans les pays. De plus, la quasi-totalité des pays de l’OCDE ont connu une hausse de l’incidence des épisodes d’alcoolisation importante, de type « binge drinking », ainsi qu’une augmentation significative de la consommation par les enfants et les adolescents : 2/3 d’entre eux ont déjà consommé de l’alcool avant 15 ans.
Une France de gros buveurs
La baisse de la consommation n’est pas homogène. Si certains pays comme la France, l’Italie ou l’Allemagne ont connu un net repli ces dernières années, d’autres nations comme la Norvège, la Pologne ou l’Estonie, ont vu au contraire leur consommation moyenne augmenter.
En France, si la consommation des adultes a baissé de plus de 20 %, entre 1999 et 2002, nous n’avons guère de raison de pavoiser, puisque nous restons le troisième plus gros consommateur d’alcool de l’OCDE, après l’Estonie et l’Autriche, avec 11,8 litres d’alcool par personne et par an. Les experts estiment que la France gagnerait à adopter une politique de taxation plus agressive sur les boissons alcoolisées. Nos niveaux de taxation sont en effet plus faibles que dans le reste de l’OCDE, en particulier pour le vin. Le rapport salue cependant « le large panel de politiques publiques menées contre la publicité et la promotion de l’alcool » dans notre pays.
La prévention ciblée
Les auteurs du rapport estiment qu’une réduction de la consommation de 10 % pourrait être atteinte dans l’OCDE, moyennant une combinaison de diverses politiques publiques, notamment en agissant sur les prix de l’alcool, à travers la taxation ou l’établissement d’un prix minimum. « Ces deux solutions sont sujettes à débat, explique Angel Gurría, un prix élevé de l’alcool touche aussi les consommateurs modérés d’alcool. Quant à l’établissement d’un prix plancher, cela signifierait une augmentation des revenus des producteurs d’alcool. »
La question des droits des buveurs ne fait cependant pas parti des préoccupations de l’OCDE, qui ne cherche qu’à suggérer des moyens de réduire l’impact économique de l’alcoolisation. « Les pays nordiques taxent énormément l’alcool, ce qui ne les empêche pas d’avoir des problèmes de fortes alcoolisations. Augmenter le prix des boissons n’est donc qu’une seule des solutions qu’il faudrait appliquer sous la forme d’un package complet », note Francesca Colombo, qui dirige la division Santé de l’OCDE.
Cibler les hommes pauvres et les femmes riches
Au-delà de la régulation purement économique, le rapport s’appuie sur les données du Canada, de la République Tchèque et de l’Allemagne pour évaluer l’efficacité des politiques de prévention des dommages liés à l’alcoolisation. Ces trois pays sont les seuls à avoir intégré dans leurs enquêtes populationnelles un module de simulation économique développé lors du dernier rapport du même type rendu par l’OCDE sur l’impact économique de l’obésité.
Les résultats indiquent que seule une politique de prévention, s’appuyant sur les médecins généraliste, et ciblée sur les plus gros buveurs et les populations à risques, se révélerait vraiment efficace. « Même en imaginant le programme de prévention le plus coûteux possible, cela resterait moins cher que le coût associé aux conséquences de l’alcoolisme, estime Angel Gurría. Rien qu’en Allemagne, si l’on consacrait 6 dollars US par habitant, on économiserait 350 millions de dollars. »
Pour mettre en place des politiques ciblées qui soient pertinentes, les pays vont devoir connaître les populations à cibler. « Dans beaucoup de pays développés, on a observé une forte incidence de l’alcoolisme chez les hommes les moins éduqués et chez les femmes les plus éduquées qui subissent une forte pression sociale », résume Stefano Scarpetta.
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