DE NOTRE CORRESPONDANTE
LA TRANSPLANTATION hépatique pour la maladie hépatique alcoolique a longtemps été controversée. La perception de la maladie alcoolique comme étant une maladie auto-infligée et la crainte d’une récidive de l’alcoolisme et d’une faible adhésion aux soins post-greffe ont longtemps incité les médecins à s’y opposer. Aujourd’hui, les programmes requièrent une période de six mois d’abstinence alcoolique avant d’envisager la transplantation chez les patients ayant une hépatite alcoolique sévère. Toutefois, ce délai est fatal pour la plupart (70 à 80 %) des patients dont l’hépatite alcoolique est réfractaire au traitement médical (glucocorticoïdes).
Philippe Mathurin (hôpital Claude-Huriez et INSERM, CHU de Lille) et coll. ont donc cherché à savoir, dans une étude prospective, si une transplantation plus précoce pouvait améliorer la survie à six mois chez ces patients.
Patients réfractaires au traitement médical.
L’étude, financée par la Société nationale française de gastro-entérologie (SNFG) et publiée dans le « New England Journal of Medicine », a été conduite dans 7 centres de transplantation* qui ont consenti à pratiquer une transplantation précoce chez des patients ayant un premier épisode d’hépatite alcoolique sévère réfractaire au traitement médical et présentant un risque accru de décès en l’absence de transplantation.
Les patients ont été sélectionnés avec soin dans chaque centre ; ils devaient avoir un bon soutien familial, être exempts de maladie coexistante sévère, et s’être engagés à une abstention alcoolique à vie. Au total, 26 patients ont été sélectionnés, dans une moyenne de 13 jours de résistance au traitement, sur une période de plus de quatre ans. Ils représentaient moins de 2 % des patients admis pour un épisode d’hépatite alcoolique sévère.
La survie a été comparée entre cette cohorte de patients subissant une transplantation précoce et deux groupes de patients témoins appariés ne subissant pas de transplantation précoce.
Les résultats de la transplantation précoce sont excellents, avec une survie à six mois de 77 %, comparée à 23 % de survie à six mois pour ceux qui n’ont pas eu de transplantation précoce.
Ce bénéfice de la transplantation précoce s’est maintenu pendant les deux ans de suivi.
Le taux de rechute alcoolique est faible, seuls 3 des 26 patients se remettant à boire deux ans après la transplantation (n = 2) ou trois ans après (n = 1).
Patients sélectionnés.
« La transplantation hépatique précoce pourrait être une option de sauvetage appropriée pour des patients sélectionnés dont le premier épisode d’hépatite alcoolique sévère ne répond pas au traitement médical, après une bonne évaluation de leur profil d’addiction », concluent les chercheurs qui souhaitent que ces résultats encourageants soient confirmés par d’autres groupes.
En dépit des limitations comme un biais possible dans la sélection des candidats, déclare le Dr Robert Brown (Columbia University College of Physicians and Surgeons, New York) dans un éditorial associé, « je pense que cette étude souligne le besoin de repenser notre approche vis-à-vis de la transplantation pour la maladie hépatique alcoolique ». Il recommande le développement et l’utilisation d’un meilleur outil objectif pour sélectionner les patients à faible risque de récidive alcoolique.
New England Journal of Medicine du 9 novembre 2011, Mathurin et coll., p 1790 et 1836.
* Hôpital Claude-Huriez, Lille, hôpital Paul-Brousse, Villejuif, hôpital Edouard-Herriot, Lyon, hôpital Beaujon, Clichy, hôpital Saint-Eloi, Montpellier, hôpital Albert-Michalon, Grenoble, hôpital Erasme, Bruxelles.
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