DE NOTRE CORRESPONDANT
LE RÉCEPTEUR de la ghréline, le GHS-R1A, est exprimé par les cellules neuronales du noyau arqué de l’hypothalamus moyen et de l’hypothalamus ventromédian, mais aussi au niveau de régions du tronc cérébral jouant un rôle dans le système de la récompense, nommément l’aire ventrale de la calotte (VTA) et l’aire latérodorsale de la calotte (LDTg). Ce qui suggère que l’action centrale de la ghréline va au-delà de la régulation de l’appétit. Les auteurs ont d’ailleurs montré, récemment, que ce peptide stimule un circuit mésolimbique clef de la récompense en favorisant la libération accumbale de dopamine. Une autre observation encore oriente vers le rôle de l’hormone dans la dépendance : l’existence d’une augmentation de la concentration plasmatique de ghréline dans certaines formes de comportement boulimique compulsif.
L’épreuve du libre choix entre deux bouteilles.
Dans leurs travaux actuels, les chercheurs observent d’abord que l’administration centrale de ghréline (en injection intra-cérébro ventriculaire (i.c.v.) à la dose de 2 microg) à des souris C57BL/6 induit un accroissement de près de 20 % de la consommation d’alcool dans l’épreuve du libre choix entre deux bouteilles (contenant de l’eau ou de l’eau additionnée d’alcool), un modèle animal d’étude de la préférence pour une boisson alcoolisée. L’administration bilatérale de ghréline directement dans la VTA ou la LDTg induit une augmentation encore plus nette de la consommation d’alcool par rapport aux contrôles. Alors que l’injection i.c.v. accroît la prise d’aliments, il n’en est rien lorsque le peptide est introduit directement dans la VTA ou la LDTg. Enfin, les effets de l’injection i.c.v. de ghréline sont annulés chez les souris déficientes en récepteur GHS-R1A, et ils le sont, de même, par l’administration de deux antagonistes du récepteur de la ghréline, BIM28163 et JMV2959.
Une action inhibitrice.
Dans une autre expérimentation, les auteurs notent que ces antagonistes ont une action inhibitrice lors de l’épreuve de stimulation locomotrice induite par l’alcool, d’une part, et qu’ils freinent, d’autre part, l’excès de libération accumbale de dopamine sous l’effet de l’alcool. En étudiant, par ailleurs, la réponse au test dit de Préférence de Place Conditionnée (CPP, un test qui évalue les effets orexigènes d’une drogue), ils montrent que la voie centrale de signalisation de la ghréline est nécessaire à la stimulation du système de récompense mis en jeu par la consommation d’alcool. La réponse au test CPP est en effet réduite chez les souris déficientes en récepteur GHS-R1A et elle est totalement abolie par les deux antagonistes de ce récepteur. Il est intéressant de noter que l’un de ces antagonistes, BIM28163, accroît paradoxalement l’appétit (au lieu de le réduire, comme le fait l’autre antagoniste) tout en bloquant la réponse CPP à l’alcool, ce qui suggère que la suppression de la voie de signalisation de la ghréline s’oppose à la dépendance à l’alcool de manière spécifique sans agir sur la valeur nutritionnelle de l’alcool.
L’ensemble de ces résultats, d’autant plus convaincants qu’ils sont cohérents quel que soit le protocole expérimental utilisé, renforcent l’hypothèse d’un rôle déterminant de la voie centrale de signalisation de la ghréline dans le mécanisme de récompense mis en jeu lors de la consommation d’alcool. Il reste à déterminer si cette action de la ghréline s’exerce en aval de son expression dans l’hypothalamus, ou de manière indépendante de l’activation hypothalamique de son récepteur GHS-R1A.
(1) E Jerlhag, E Egecioglu, S Landgren, N Salomé, M Heilig, D Moechars, R Datta, D Perrissoud, SL Dickson, JA Engel. Requirement of central ghrelin signaling for alcohol reward. Proc Natl Acad Sci USA (2009) Publié en ligne.
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