SI L’ON SAIT que l’alcool (éthanol) module une variété de cibles moléculaires, y compris plusieurs récepteurs de neurotransmetteurs, on ignore quels sont les mécanismes neuraux qui sous-tendent son effet gratifiant et conduisent à une consommation excessive.
Les études animales suggèrent que la libération d’opioïdes endogènes (ou endorphines) par l’alcool favorise la poursuite de la consommation. En effet, il a été montré chez les rongeurs que la consommation d’alcool entraîne la libération d’opioïdes endogènes ; les agonistes d’opioïdes augmentent la consommation d’alcool ; et la souris KO privée du récepteur opioïde mu (ROM) boit moins d’alcool et ne développe pas de préférence pour l’alcool.
Mais qu’en est-il chez l’homme ? Pour en savoir davantage et pour déterminer où, dans le cerveau, les opioïdes endogènes agissent pour favoriser la consommation d’alcool, Mitchell et coll. ont effectué une tomographie par émission de positons (TEP) chez 25 sujets, dont 13 grands buveurs et 12 témoins, avant et après la consommation d’un verre d’alcool.
Pour le scanner pré-alcool, les sujets ont reçu l’injection du carfentanil radioactivement marqué, un agoniste sélectif du récepteur mu ; cela permettait de visualiser ces récepteurs opioïdes sur l’imagerie PET grâce à la fixation du carfentanil radioactif sur ces récepteurs.
Les sujets ont ensuite bu un verre d’alcool, puis ont reçu une seconde injection du carfentanil radioactif, et ont passé une autre TEP. Comme les endorphines libérées par la consommation d’alcool se fixent aux récepteurs opioïdes, elles empêchent la fixation du carfentanil ; en comparant les zones de radioactivité entre les premières et les deuxièmes images TEP, il est possible de localiser les régions précises (marques par une baisse de radioactivité) ou les endorphines sont libérées en réponse à la consommation d’alcool.
Deux régions impliquées dans la récompense.
Cette étude révèle que la consommation d’alcool provoque la libération d’endorphines dans le cortex orbitofrontal (COF), ainsi que dans le noyau accumbens (NAc), deux régions du cerveau essentielles pour le traitement de la récompense. La réduction de la fixation du carfentanil dans le NAc est corrélée au changement dans le COF gauche, ce qui suggère que les deux régions cérébrales interagissent pour augmenter la récompense de l’alcool et favoriser la consommation.
Chez tous les sujets, plus la libération d’endorphines est élevée dans le NAc, plus grand est le sentiment de plaisir signalé par chaque buveur. Et les sujets ayant la plus grande libération d’endorphine dans le COF médian signalent aussi le plus grand sentiment d’être « ivre ou en état d’ébriété », ce qui suggère que la libération d’endorphines dans le COF contribue au sentiment subjectif d’être ivre ou en état d’ébriété.
De plus, chez les grands buveurs, mais pas chez les témoins, la libération d’endorphines dans le COF est corrélée au sentiment subjectif de bien-être après la consommation d’alcool et une consommation problématique d’alcool, ce qui suggère qu’une dysfonction du COF contribue à une consommation excessive d’alcool.
« Cela indique que les cerveaux des grands buveurs ou des buveurs problématiques sont modifiés d’une façon qui les rend plus susceptibles de trouver l’alcool agréable, et ceci pourrait être une indication de la façon dont le problème d’alcool se développe en premier lieu. Ce plus grand sentiment de récompense pourrait les amener à boire davantage », explique le Dr Jennifer Mitchell (université de San Francisco) dans un communiqué.
Ces résultats pourraient expliquer comment la naltrexone, un antagoniste opioïde non sélectif, agit pour traiter l’abus d’alcool. Le naltrexone est un traitement efficace, réduisant le nombre de jours d’abus d’alcool, l’envie, et la rechute, mais il est associe a des effets désagréables entraînant une faible adhérence.
L’étude suggère une approche pour améliorer le traitement. « La naltrexone inhibe plus d’un récepteur opioïde, et nous devons découvrir quelle action inhibitrice réduit l’alcoolisme et laquelle provoque les effets secondaires indésirables, explique le Dr Howard Fields (université de San Francisco). Si nous comprenons mieux comment les endorphines contrôlent la consommation d’alcool, nous aurons plus de chances de créer des traitements plus ciblés pour l’abus de substances. Cette étude constitue un pas important dans cette direction car elle met en cause spécifiquement le récepteur mu opioïde dans la récompense de l’alcool chez les humains », ajoute-t-il.
Mitchell et coll. Science Translational Medicine, 11 janvier 2012.
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