Une hypothèse novatrice à l’étude

Le CO2 serait impliqué dans le cancer du fumeur

Publié le 25/01/2009
Article réservé aux abonnés

SI L’ÉPREUVE de l’expérience démontrait sa validité, l’hypothèse d’une inflammation produite par le dioxyde de carbone intervenant dans la cancérogenèse pourrait modifier la compréhension de nombreux cancers liés à des produits de combustion.

«  En cherchant à comprendre les mécanismes par lesquels la fumée de tabac provoque un cancer pulmonaire, l’idée du CO 2 n’est pas venue facilement », se rappelle le Dr Schwartz. Avec ses collègues, ils ont fait appel anecdotiquement à l’histopaléontologie : il y avait 90 % de CO 2 à l’origine du monde, la vie complexe est apparue avec l’augmentation de la présence de l’O 2 dans l’atmosphère, et il n’y a plus actuellement que 0,03 % de CO 2 dans l’air ambiant. Mais surtout à l’histopathologie : on sait depuis les années 1920 que le CO 2 est toxique et, dans les années 1960, les expériences ont montré que 1 à 2 % de CO 2 dans l’air inhalé par des rongeurs entraîne des lésions pulmonaires. D’ailleurs, dans les atmosphères confinées (navettes spatiales, sous-marins) le taux de CO 2 est dûment régulé.

La concentration de CO 2 inhalée par une personne qui fume une cigarette est de 400 à 500 fois celle respirée normalement. Ce CO 2 est susceptible de réagir avec l’eau présente dans le mucus des alvéoles pulmonaires pour former un acide et susciter une inflammation.

Des concentrations croissantes de CO 2.

Schwartz et coll. se sont posé la question : les concentrations atteintes par les fumeurs sont-elles toxiques pour les poumons ? Des souris de laboratoire ont été exposées à un air comportant des concentrations croissantes de CO 2 : 0, 5, 10, 15 %, avec une présence constante de 21 % d’O 2. Pour les concentrations supérieures à 5 % de CO 2, on enregistre une inflammation pulmonaire avec hyperproduction de mucine est hyperréactivité bronchique. Avec une confirmation biologique : augmentation des transcrits et de la sécrétion des cytokines pro-inflammatoires, comme les MIP 1? et 1ß, MIP-2, IL-8, MCP-1, IL-6, facteur RANTES. La réponse est médiée par des facteurs nucléaires (NF-?B), liée à une activation de PP2A. L’inhibition des siRNA de la phosphatase PP2AC produit une inversion des effets du CO 2, donnant une confirmation de son activité pro-inflammatoire.

«  En conclusion, cette étude suggère fortement que l’exposition au gaz carbonique pourrait être plus toxique qu’on n’est habitué à le supposer. Et qu’il pourrait rendre compte d’effets carcinogènes des produits de la combustion. »

« American Journal of Physiology », 9 janvier 2009.

* PH, service de radiothérapie à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière et détaché à l’école Polytechnique

** Institut Pasteur de Téhéran.

Dr BÉATRICE VUAILLE

Source : lequotidiendumedecin.fr