Le collectif les morts de la rue, créé en 2002, a recensé en 2015, 497 morts parmi les personnes sans-domicile fixe (SDF), et 88 décès touchant des « anciens de la rue », soit 585, selon un bilan rendu public ce 14 décembre.
Ces chiffres sont établis à partir des remontés des associations, mais aussi des enquêtes menées par l'équipe qui repère les avis de décès dans les médias. Même si le collectif est jugé comme une des sources les plus fiables (ce qui lui a valu un financement de la direction générale de la cohésion sociale), « ces chiffres ne sont pas exhaustifs. En les appareillant avec ceux du CepiDc l'INSERM, via la méthode de capture-recapture, nous estimons qu'ils pourraient représenter 1/6 de la réalité », explique l'épidémiologiste Maya Allan. Le nombre réel de décès de SDF serait donc de 2 838. Des chiffres stables, commente Maya Allan, sans qu'il soit possible de distinguer dans leurs évolutions ce qui tient à l'amélioration du recensement.
De funestes ruptures, 10 ans de rue, la violence et la maladie
Qui sont ces 500 personnes ? Ce sont majoritairement des hommes (92 %), âgés en moyenne de 49 ans - soit une espérance de vie amputée de 30 ans par rapport à la population générale. Ils ont passé 10 ans dans la rue. Les raisons : séparation conjugale, maladie, migration.
Les causes de décès ne sont connues que pour un peu plus de la moitié d'entre eux (55 %). Elles se divisent à parts égales entre causes violentes (accidents, agressions, suicide), qui concernent surtout les 20-24 ans et maladie (en majorité, des cancers). Certaines populations sont particulièrement vulnérables : les femmes (43 décès, dont 3 mineures), les moins de 15 ans (6 décès dont 5 d'enfants aux parents Roms, le sixième étant un prématuré d'une migrante de Calais), les Roms (11 décès, dont les 5 enfants), et les migrants des Hauts-de-France (29 décès lors de tentatives de traversées en Angleterre, contre 19 recensés en 2014, et 82 depuis 2002).
Près de 44 % des 497 SDF sont décédés sur la voie publique ou dans des abris de fortune et 37 % dans des lieux de soins (contre 57 % dans la population générale). « Mais cela inclut aussi les personnes qui vivent dans les parties communes d'un hôpital sans avoir accès aux soins », précise Cécile Rocca, coordinatrice.
Idées fausses autour de la saisonnalité, l'alcool, la solitude
Le rapport 2015 du Collectif s'attache à démonter trois idées reçues, à commencer par le mythe d'une mortalité plus forte en hiver. « On observe que les morts de la rue suivent les courbes de mortalité de la population générale, avec davantage de décès en hiver qu'en été, qui ne sont pas liées au froid ! », explique Maya Allan. Les hypothermies représentent 5 décès en 2015, soit moins de 1 % note-t-on, et les incendies hivernaux liés au chauffage, 4 décès. « Le fait d'être à la rue est un facteur social de risque accru de décès, été comme hiver », poursuit-elle.
Difficile également d'associer systématiquement rue et alcoolisme, dénonce le rapport. Les chiffres de l'étude du Collectif montrent, certes, une sur-consommation, avec une addiction plus fréquente que dans l'étude Samenta (37 % versus 27 %) et 15 % de personnes décédées ayant une pathologie en lien avec l'alcool. Mais des biais existent, liés à la sur-représentation des personnes à la rue (et non dans des hébergements d'urgence). « Si on regarde toute la population de sans-domicile fixe et notamment ceux qui vivent dans des centres d'hébergement, on s'aperçoit que leur consommation est moindre que celle de la population générale », assure Nicolas Clément, président du Collectif.
Dernier cliché battu en brèche, l'isolement total des sans-abri. Le rapport montre qu'au moins la moitié des personnes décédées bénéficiait d'un suivi social (assuré par les associations, essentiellement), tandis que d'autres avaient des liens avec leur famille ou des amis, ou étaient insérés une vie de quartier, dont fait notamment état le blog Mémoire des morts de la rue.
Prévention, hébergement et accompagnement
Le collectif recommande in fine une meilleure prévention, notamment lors des ruptures (sortie d'hospitalisation, de prison, de couple, d'emploi, etc), la pérennisation de l'habitat dans le temps et dans l'espace, et un meilleur accompagnement sur le plan technique et relationnel. « Des personnes venues de la rue, très abîmées, n'ont pas forcément des habitudes d'"habitants" ; habiter n'est pas inné », rappelle Nicolas Clément.
Les médecins ont aussi un rôle à jouer, insistent les membres du collectif, pour favoriser l'accès aux soins et surveiller les fragilités. « Il y a souvent besoin d'un interprète entre les SDF et les hôpitaux : les SDF viennent souvent trop tard, ont du mal à attendre, peinent à supporter les urgences, passent rarement par la case rendez-vous, et ont un autre rapport à la douleur, qu'ils endurent et cachent », décrit Cécile Rocca. Et d'inciter à un accueil ouvert, qui peut se faire notamment en lien avec les réseaux pluridisciplinaires des quartiers.
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