COMMENT EXPLIQUER une attirance pour les boissons alcoolisées à l’adolescence ? Peut-être par un penchant chimiosensoriel hérité d’une exposition à l’alcool au stade ftal. Selon des neuroscientifiques américains, le goût et l’odeur de l’alcool apparaîtraient d’emblée familiers et agréables ce qui encouragerait une consommation excessive et ferait le lit d’un alcoolisme futur. Une démonstration de plus pour convaincre les femmes enceintes du « zéro alcool », la liste des effets nocifs de ce comportement maternel étant déjà longue. Ainsi si l’exposition ftale était bien connue comme facteur de risque d’addiction à l’âge adulte, les mécanismes responsables étaient peu décrits jusqu’à présent. Les chercheurs Steven Youngentob et John Glendinning viennent ainsi de montrer chez des rats que l’avidité adulte pour l’alcool s’expliquerait par une modification de la perception du goût et de l’odorat du produit. La consommation gestationnelle exercerait un effet sur ces organes des sens très malléables à ce stade.
Le goût amer mieux toléré.
Les chercheurs ont voulu déterminer si l’attrait pour l’alcool était dû à des modifications dans la perception de tel ou tel composant de la boisson. La sensation orale de l’alcool est en effet décrite comme un mélange de saveurs sucrées et amères. Au cours des expériences, les rats ont été exposés à l’alcool via le régime alimentaire de la mère. Par rapport aux contrôles, les rats une fois adolescents étaient davantage attirés à la fois par l’alcool et par l’hydrochloride de quinine, un composé réputé pour son amertume. Étrangement, ils ne l’étaient pas plus pour le sucrose, comme s’il n’était plus besoin de masquer l’amertume par le sucré. L’exposition prénatale à l’alcool entraînerait une meilleure acceptabilité du caractère amer des aliments. Plus déterminant encore, les chercheurs ont mis en évidence que la diminution de l’aversion pour le goût amer de l’alcool « quinine-like » s’accompagnait d’une avidité pour l’éthanol à 3 et 6 %. Fait très troublant, il est apparu que les rats à l’âge adulte n’étaient plus aussi acceptants vis-à-vis du dérivé à base de quinine et de l’éthanol qu’ils l’étaient adolescents. Ce constat souligne ainsi que l’adolescence est une période très critique dans l’apparition d’un alcoolisme.
Les deux neuroscientifiques ont aussi conçu et réalisé un autre type d’expérience afin de savoir si l’odorat jouait un rôle dans l’attirance pour l’alcool. Il s’agissait chez des rats adolescents d’évaluer la prise d’éthanol après avoir été soumis à de fortes odeurs alcoolisées. Il est apparu que le comportement des rats exposés une fois adolescents était modifié par les odeurs avec une forte avidité pour la boisson. Les auteurs soulignent que d’autres déterminants épigénétiques de la prise d’alcool en cours de grossesse pourraient être en cause dans la survenue de penchants pour l’alcool.
Proc Natl Acad Sci USA, édition avancée en ligne du 8 mars 2009.
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