DE NOTRE CORRESPONDANTE
L’IDENTIFICATION DES GÈNES qui influencent le comportement tabagique pourrait permettre de mieux comprendre les mécanismes de dépendance à la nicotine, afin de développer des thérapies ciblées plus efficaces.
Il y a deux ans, l’équipe de deCODE (Islande) avait découvert qu’un groupe de 3 gènes sur le chromosome 15, codant pour des sous-unités du récepteur nicotinique neuronal de l’acétylcholine, était associé à la fois à l’intensité du tabagisme, à la dépendance à la nicotine et à des maladies liées au tabagisme comme le cancer du poumon. De nouveaux résultats sont rapportés par trois équipes qui ont échangé leurs informations pour la phase de réplication.
Le comportement tabagique.
Thorgeirsson et coll. (deCODE, Islande) ont identifié deux autres loci associés au comportement tabagique. Ils ont fait la méta-analyse des études d’association génomique menées auprès de populations d’origine européenne (consortium ENGAGE) en s’intéressant au nombre de cigarettes fumées par jour (n = 31 266) et à l’entrée dans le tabagisme (30 000 non-fumeurs et 16 000 fumeurs). Dans un second temps, ils ont testé les variants SNP les plus intéressants dans les cohortes des consortium TAG et Ox-FSK (n = 45 700 fumeurs) et dans une troisième cohorte d’origine européenne (n = 9 000). Résultat : des variants dans 3 loci (15q25, 8p11, 19q13) sont associés à une forte consommation tabagique et au cancer du poumon. Les deux nouveaux loci identifiés contiennent des gènes encodant des sous-unités du récepteur nicotinique (CHRNB3 et CHRNA6, chromosome 8) et des enzymes métabolisant la nicotine (CYP2A6 et CYP2B6, chromosome 19). Chaque copie des deux nouveaux variants est associée à une légère augmentation du tabagisme (la moitié d’une cigarette par jour) et une augmentation de 10 % du risque de développer un cancer du poumon en comparaison des fumeurs ne portant pas ces variants. Cela représente environ un tiers du risque de cancer du poumon conféré par les SNP du loci 15q25. Ensemble, ces variants identifient une fraction de fumeurs qui encourent un risque accru de cancer du poumon lié au tabagisme.
Francks et coll. (Université d’Oxford et GlaxoSmithKline, Royaume-Uni) ont fait la méta-analyse des études GWAS (41 000 personnes d’origine européenne) et ont confirmé le lien entre l’intensité du tabagisme et le locus 15q25 contenant les gènes pour des sous-unités du récepteur nicotinique (CHRNA-3, CHRNA-4, et CHRNA-5). En utilisant le projet des 1 000 Génomes, qui recense toutes les variations génétiques communes existant dans les principales populations et procure une densité des marqueurs cinq fois plus grande, les chercheurs ont pu attribuer l’association sur le chromosome 15 à un variant du promoteur du gène CHRNA-5, et secondairement à un variant du gène CHRNA-3.
Fuberg et coll. (Consortium TAG) ont conduit une méta-analyse de GWAS (n = 74 000), puis les 15 associations les plus fortes ont été examinées dans les cohortes ENGAGE et Ox-GSK (n = 140 000).
Ils ont identifié 3 loci associés à l’intensité du tabagisme : variant du gène CHRNA3 sur le chromosome 15 ; 10q25 (2 SNP) ; et variant du gène EGLN2 sur le chromosome 9q13.
Ils ont également identifié un variant associé à l’initiation du tabagisme dans le gène BDNF (chromosome 11), connu pour encoder une neurotrophine, et un variant associé à la cessation du tabagisme situé près du gène DBH (chromosome 9) qui encode l’enzyme transformant la dopamine en norépinéphrine.
La biologie de l’addiction.
Ces résultats n’ont pas de répercussions cliniques dans l’immédiat, précise au « Quotidien » le Dr Fuberg. « À présent, ils sont surtout utiles pour les chercheurs étudiant la biologie de l’addiction. De plus, les chercheurs pourront examiner si les variants identifiés influencent les effets des différentes thérapies de sevrage tabagique (pharmacogénomique), afin de personnaliser le traitement selon la constitution génétique de la personne pour en améliorer l’efficacité et réduire les effets secondaires. »
Nature Genetics, 25 avril 2010, Liu, Francks et coll., Thorgeirsson, Stefansson et coll., Furberg et coll.) DOI : 10.1038/ng.571, DOI : 10.1038/ng.573, DOI : 10.1038/ng.57
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