CINQ JEUNES chercheurs de l’Université Pierre et Marie Curie (UPMC) sont à l’origine d’une découverte sur la dépendance à la nicotine, découverte qui, d’une part, permet de mieux comprendre les effets de ce produit et, d’autre part, pourrait aider au sevrage tabagique.
Le tabac est connu pour son puissant pouvoir de renforcement chez les humains et la nicotine est généralement considérée comme le composant responsable au premier chef de l’effet addictogène.
Seulement, les données expérimentales tendent à contredire cette notion. Il existe des différences entre les effets de la nicotine et ceux d’autres drogues d’abus. Par exemple, à l’inverse des psychostimulants et des opiacés, la nicotine n’induit pas d’hyperactivité motrice chez les rats de laboratoire.
Les deux principaux modèles expérimentaux animaux pour travailler sur l’addiction sont la sensibilisation comportementale et l’auto-administration. Or, la nicotine seule ne marche pas sur ces modèles.
Des IMAO dans la fumée de cigarette.
Depuis les années 1995-1996, on sait que les fumeurs présentent une réduction importante (environ 50 %) des taux cérébraux de monoamine-oxydase (MAO). La présence d’IMAO a ensuite été mise en évidence dans la fumée de cigarette. À la suite de cette découverte, on a montré que les IMAO sont nécessaires pour que l’effet addictif de la nicotine apparaisse. Ainsi, la nicotine donnée seule ou les IMAO donnés seuls n’ont pas d’effet sur les modèles d’addiction, mais l’association des deux agit comme les autres addictogènes (cocaïne, morphine ou éthanol), induisant une sensibilisation c’est-à-dire une potentialisation de la réponse des neurones noradrénergiques et sérotoninergiques, sensibilisation qui persiste à long terme. Associer un IMAO à la nicotine permet de révéler l’hyperactivité locomotrice chez la souris et les animaux s’auto-administrent le produit sans problème. Ce qui a été la première partie du travail de l’équipe publiée antérieurement dans les « Proceedings » de l’Académie des sciences américaine.
La deuxième partie présentée maintenant* est un décryptage d’un mécanismes pharmacologique par lequel les neurones se protègent contre la dépendance de la nicotine et sur lequel agissent les IMAO.
Tous les neurones possèdent des auto-récepteurs, qui leur permettent d’ajuster leur activité et constituent des freins naturels contre un emballement du système. Une surstimulation induit une désensibilisation du récepteur : il n’est plus fonctionnel, il n’est même plus présenté à la surface de la membrane neuronale. Les récepteurs 5HT 1A ont cette fonction sur les neurones sérotoninergiques.
Les neurones se protègent.
L’équipe montre que les neurones sérotoninergiques se protègent contre l’effet de la nicotine en faisant exprimer ces récepteurs 5HT 1A. Chez un fumeur, la présence des IMAO associés à la nicotine désensibilisent ces récepteurs, et libèrent l’effet addictogène de la nicotine : la nicotine peut activer le système sérotoninergique. Mais lorsque l’on donne un substitut nicotinique dans le cadre d’un sevrage tabagique, il n’y a pas d’IMAO et de ce fait la nicotine n’active pas les systèmes de la dépendance ; au bout de quelque temps, le manque apparaît. Ces découvertes peuvent expliquer la relative efficacité de cette mesure destinée à aider la désaccoutumance en réduisant les symptômes de manque.
L’idée de l’équipe de l’UPMC est que l’association d’un antidépresseur aux patchs ou autres substituts nicotiniques permettrait de restaurer l’effet de la nicotine sur les neurones sérotoninergiques, sachant que ces derniers sont couplés aux autres systèmes neuronaux impliqués dans la dépendance (noradrénergiques et dopaminergiques). D’ailleurs, les praticiens donnent parfois des antidépresseurs en même temps que les substituts nicotiniques, car ils se sont aperçus qu’ils ont une meilleure efficacité et que le sevrage est mieux réalisé. On pourrait donner l’antidépresseur sous la forme d’un médicament ou trouver un produit ayant la même fonction, qui passerait la barrière hématoencéphalique. Tous les antidépresseurs ont peu ou prou un effet d’augmentation de la sérotoninergique.
Article rédigé avec le concours du Dr Christophe Lanteri, de l’équipe de l’UPMC.
* Journal of Neurosciences, 28, 2009, 29 (4) : 987-997.
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