« Je n’ai jamais vu, à ma connaissance, malheureusement peut-être, un jeune qui sort de boîte de nuit et qui est soûl parce qu’il a bu du Côtes-du-Rhône, du Crozes-Hermitage, du Bordeaux ou des Costières-de-Nîmes [...]. Il faut lutter contre toutes les addictions, mais il faut éduquer les Françaises et les Français et la jeunesse au bon, au beau ». Ces propos du ministre de l'Agriculture, Didier Guillaume, ont été peu appréciés par les hépatologues contactés par « Le Quotidien ».
« Ce sont des déclarations hors-sol sur le plan scientifique et épidémiologique, réagit le Pr Philippe Mathurin, du service des maladies de l'appareil digestif-hépatologie du CHRU de Lille. Toutes les études ont confirmé que le type d’alcool n’influence pas le surrisque de mortalité lié à la consommation d'alcool ». La population caractéristique des consultations d'hépatologie, rappelle le Pr Mathurin, est « une population âgée chez laquelle une consommation importante d'alcool sur une longue période a conduit à des fibroses hépatiques sévères. Dans 80 % des cas, l'alcool le plus consommé est le vin. »
Des dommages dès 15 g par jour
Dans une métaanalyse récente publiée dans « The Lancet », il a été estimé que le risque de mortalité toute cause confondue augmente significativement à partir d'une consommation de 100 g d'alcool par semaine, soir 1,5 unité d'alcool (15 g) par jour. Un seuil encore plus bas que ceux fixés dans les recommandations, et valable quel que soit l'alcool consommé.
Selon les critères de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), il est recommandé de ne pas boire plus de 3 verres par jour chez les hommes et 2 verres par jour chez les femmes, et jamais plus de 4 verres lors d'un usage ponctuel.
Certains défenseurs du vin mettent en avant la réduction, effectivement prouvée, du risque cardiovasculaire associée à une faible consommation d'alcool pour défendre les supposés bienfaits d'une consommation de vin dans les limites fixées par l'OMS. Une position contestée par le Pr Mathurin, qui rappelle qu'une consommation d'alcool, même modérée, « est associée à un accroissement du risque de cancer du sein, du foie, du sein et du colon-rectum. »
Soulignons que ces seuils ne tiennent pas compte des autres comorbidités du patient. La prévalence croissante de l’obésité en France s'accompagne d'une augmentation de la sensibilité hépatique, ce qui pose la question de la pertinence des seuils dans cette population plus à risque.
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