Alors que le nombre de fumeur recule mais reste important, il est logique de se demander quel type d'aide au sevrage est le plus efficace. Pour le tester, une étude randomisée multicentrique pragmatique a été mise en place au Royaume-Uni, pays où les e-cigarettes sont recommandées au même titre que les substituts nicotiniques. À un an, ses conclusions semblent sans appel puisque le taux d'abstinence est près de deux fois plus important avec l’e-cigarette qu'avec un substitut nicotinique (1), 18 % versus 10 % d'arrêt du tabac. On pourra remarquer toutefois que les taux restent bien faibles en valeur absolue... et que l'usage des e-cigarettes se prolonge après sevrage.
Une étude fondée sur les programmes gouvernementaux
Cette étude multicentrique a recruté des fumeurs inscrits au programme national gouvernemental (UK National Health Service) de sevrage tabagique. Près de 900 fumeurs volontaires ont été retenus après sélection de plus de 2000 participants. Ils sont âgés de 41 ans en moyenne, la moitié sont des femmes. Leur consommation médiane est de15 cigarettes/jour et leur score de Fagerström de 4,5. Les trois quarts avaient déjà utilisé des substituts nicotiniques et près de la moitié les e-cigarettes.
Les participants ont été randomisés en deux groupes. Le premier bénéficiait d'une e-cigarette de seconde génération, avec des recharges à 18 mg/ml de nicotine, le second de substituts nicotiniques au choix (patch, gomme, comprimé à sucer, spray nasal) avec un encouragement en faveur des patchs et des comprimés.
Le traitement a été fourni pour 3 mois, le renouvellement éventuel étant laissé à la charge des sujets. Durant un mois, tous ont eu une entrevue hebdomadaire avec un médecin du programme assortie d'une mesure du monoxyde de carbone expiré.
Le critère principal retenu est le taux de sevrage à 1 an, avec un taux de CO expiré inférieur à moins de 8 ppm.
Persistance de l'usage des e-cigarettes
A tous les moments de l'étude le groupe avec e-cigarette a compté plus de non-fumeurs. À 4 semaines après le début de l'étude, 44 % versus 30 % de patients étaient sevrés. À 26 semaines, 35 % versus 25 %. À 1 an, 18 % versus 9,9 %. Et la réduction de consommation, même chez les non sevrés, a été plus importante dans le groupe e-cigarette. Globalement, entre la 26e et la 52e semaine, le taux de fumeurs ayant réduit leur consommation de moitié est de 13 % versus 7 %.
Point non négligeable, dans le groupe e-cigarette les ex-fumeurs (arrêt complet) continuent largement à recourir à l’e-cigarette fournie. En effet, 80 % des vapoteurs vapotent toujours quand seulement 9 % des ex-fumeurs du groupe substitut nicotinique en utilisent encore.
Dans les deux groupes, e-cigarette comme substitut nicotinique, ces outils de sevrage ont été perçus comme moins satisfaisants que les vraies cigarettes. Mais, durant la première semaine d'arrêt sous e-cigarette, les sujets ont ressenti moins d'urgence de fumer, moins d'irritabilité et de difficulté de concentration. Ce qui pourrait, selon les auteurs, expliquer le succès des e-cigarettes.
Enfin, en termes d'effets secondaires, les nausées dominent sous substitut nicotinique quand des irritations de la bouche et de la gorge sont relevées avec l’e-cigarette.
Faut-il bannir les liquides aromatisés ?
Assez exceptionnellement, deux éditoriaux accompagnaient la parution de cette étude dans le NEJM (2,3). Le premier salue ce travail en notant néanmoins ses limites, puisque l'intervention n'a duré que trois mois et que le suivi ne permet pas de s'assurer de l'innocuité des e-cigarettes même si l'on peut supposer que leur toxicité est moindre que celle du tabac.
Le second pose pour sa part avec vigueur la question des liquides pour e-cigarettes aromatisés, qui ont connu un important succès aux États-Unis tandis que le vapotage est croissant chez les adolescents. Un phénomène qui fait craindre que l'addiction de ces jeunes à la nicotine ne mène à terme à une résurgence du tabagisme. C'est pourquoi l'auteur plaide pour une interdiction totale de ces liquides aromatisés par la Food and drug administration (FDA), dont les mesures prises sur ce sujet sont selon lui insuffisantes.
(1) Hajek P et al. A Randomized Trial of E-Cigarettes versus Nicotine-Replacement Therapy. NEJM 2019; DOI: 10.1056/NEJMoa1808779
(2) Borelli B et al. E-Cigarettes to Assist with Smoking Cessation. NEJM 2019; DOI: 10.1056/NEJMe1816406
(3) Drazen JM et al. The Dangerous Flavors of E-Cigarettes. NEJM 2019; DOI: 10.1056/NEJMe1900484
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