LE QUOTIDIEN : Quel est l'objectif de l'évaluation ? Quel est le cahier des charges de la MILDECA qui finance ce travail ?
MARIE JAUFFRET-ROUSTIDE : Notre évaluation comporte un volet épidémiologique portant sur une cohorte de 680 usagers de drogue suivis pendant 12 mois, porté par 4 équipes de recherche INSERM et CNRS, et une enquête sociologique sur l'acceptabilité sociale par les riverains. Notre équipe s'occupe plus spécifiquement de l'évaluation sur Paris.
Avec l'étude de cohorte, nous cherchons à déterminer si les salles de consommation à moindre risque remplissent bien leur rôle du côté de la santé des usagers, à savoir réduire les risques de transmission du VIH et du VHC, d'abcès ou d'overdoses. Les usagers qui s'injectent dans l'espace public ont en effet un risque accru d'infection et négligent les conditions de sécurité car ils se précipitent, de peur d'être vus ou arrêtés. Les études montrent aussi que la consommation de drogue dans la rue ou les toilettes publiques favorise l'échange de matériel d'injection.
Notre étude « Coquelicot » a révélé qu'un tiers des usagers de drogues fréquentant les structures spécialisées déclarent avoir des problèmes pour se procurer du matériel d'injection. À Saint-Denis, ce taux monte à 60 %. Les Pays-Bas et la Suisse ont réduit à quasiment zéro l'incidence du VHC, or la principale différence avec la France réside dans les salles de consommation. Nous faisons face à une épidémie qui s'aggrave : 64 % des injecteurs sont contaminés par l'hépatite C et un quart partagent leurs seringues.
Comment allez-vous exactement mesurer l'impact sur le risque d'infection ?
Le critère de jugement principal est la diminution du partage du matériel d'injection car il est très difficile de montrer sur un temps de suivi aussi court - une année - une évolution de la contamination par le VHC ou le VIH.
La cohorte vise à mesurer l'impact des facteurs structurels et des caractéristiques individuelles sur l'évolution des pratiques à risque, du parcours de soins, et l'expression des violences et des délits. Les usagers évoluant à Paris, Marseille, Bordeaux et Strasbourg, seront interrogés à 4 reprises (à 0, 3, 6 et 12 mois) sur leurs pratiques à risque. Les réponses des usagers évoluant à proximité d'une salle seront comparées à celles de ceux qui ne la fréquentent pas.
Comme se déroulera l'enquête sociologique ?
Elle se déroule sur Paris et comprend une étape d'observation ethnographique : des sorties terrain seront faites une à deux fois par semaine pour comptabiliser la présence de seringues usagées dans l'espace public. Nous compléterons avec les données chiffrées d'origine policière et médico-administrative : évolution du nombre d'overdoses et des actes de délinquance.
Je réalise également une centaine d'entretiens avec des riverains, des militants associatifs, des usagers, des représentants de la justice et des acteurs hospitaliers pour évaluer leur expérience du quartier et leur perception des usagers de drogues, ainsi que leur acceptabilité de la salle de consommation.
Qu'est ce qui ressort de vos premiers entretiens avec les riverains ?
Il existe une grande diversité de positions. Les riverains sont finalement très rarement opposés de façon idéologique la salle de consommation. Dans l'ensemble, les opposants sont surtout préoccupés par la dégradation leur cadre de vie et ont les mêmes préoccupations que les partisans du projet de salle de consommation. Ils se posent notamment la question de savoir s'il y aura assez de médecins pour s'en occuper.
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