Le microbiote intestinal est directement impliqué dans les pathologies hépatiques, comme la MAF, la stéatopathie métabolique, le carcinome hépatocellulaire et probablement la cholangite biliaire primitive. « La physiopathologie des maladies hépatiques, notamment celle de la MAF, est impactée par la dysbiose, la barrière intestinale et son interaction avec le microbiote, ainsi que les modifications des métabolites bactériens, résume le Pr Gabriel Perlemuter, chef du service d’hépatogastroentérologie et nutrition (hôpital Antoine Béclère, Clamart). Schématiquement, l’alcool et ses métabolites altèrent la composition et la diversité du microbiote intestinal, ainsi que la barrière intestinale. Tout cela participe au développement de la MAF ».
Des anomalies bactériennes
Les modèles animaux d’alcoolisation ont montré que le microbiote intestinal module la susceptibilité individuelle à développer des lésions hépatiques liées à l’alcool. En effet, celles-ci sont corrélées à une altération de la perméabilité intestinale et une augmentation de la réponse inflammatoire. Plusieurs anomalies du microbiote ont été décrites dans la MAF, en particulier une diminution de Bacteroidetes et d’Akkermansia Muciniphila. À l’inverse, il existe une augmentation de Proteobacteria, d’Actinobacteria et de certaines souches d’Enterococcus, qui peuvent transloquer par la veine porte vers le foie et entraîner une inflammation hépatique (surtout en cas de prise concomitante d’inhibiteurs de la pompe à protons). Elles peuvent aussi produire des métabolites, qui entraînent une inflammation du foie. Selon le Pr Perlemuter, « nous observons ici le déséquilibre habituel entre les bactéries pro-inflammatoires et anti-inflammatoires, susceptibles de favoriser la MAF. D’autres micro-organismes que les bactéries peuvent aussi intervenir dans la MAF. En effet, une diminution de la diversité des champignons et une augmentation de Candida ont été signalées. De plus, la diversité du virome intestinal semble modifiée chez les patients atteints de MAF, tout comme la présence de bactériophages spécifiques ».
Une perméabilité intestinale accrue
Comme au cours de nombreuses maladies digestives, l’augmentation de la perméabilité intestinale est un élément commun à plusieurs maladies hépatiques comme la MAF. L’altération de la barrière intestinale dans les maladies hépatiques conduit à une augmentation de sa perméabilité vis-à-vis des métabolites bactériens, ainsi que des bactéries elles-mêmes. De plus, le microbiote et ses métabolites induisent des effets hépatiques. « Cette perméabilité intestinale accrue par la consommation d’alcool (diminution de la couche de mucus et de la production de peptides antimicrobiens) favorise la translocation de bactéries, notamment à gram négatif, qui ont un effet pro-inflammatoire. Celles-ci sont retrouvées en quantité anormale dans le sang portal des patients souffrant d’une maladie hépatique, précise le Pr Perlemuter. Cette dysbiose est associée à un profil pro-inflammatoire. De même, le Candida albicans, proportionnellement augmenté dans l’intestin des patients atteints de MAF, induit ou aggrave une inflammation hépatique, via la translocation d’une toxine fongique : la candidalysine ».
Plusieurs métabolites bactériens participent à la modulation de l’inflammation hépatique. Ainsi, les acides gras à chaîne courte, issus de la fermentation des bactéries intestinales, jouent plutôt un rôle hépatoprotecteur (cette production étant réduite en cas de dysbiose induite par l’alcool). Le microbiote est également capable de métaboliser le tryptophane en dérivés d’indole, dont l’effet semble protecteur au niveau de la barrière intestinale. Il réduit également la sécrétion de cytokines pro-inflammatoires, modère la translocation bactérienne, et stimule la production des AMP et des cytokines anti-inflammatoires comme l’IL-22.
Une nouvelle cible thérapeutique
« Au regard des connaissances accumulées, il est logique de considérer le microbiote comme une cible thérapeutique potentielle dans la MAF, estime le Pr Perlemuter. Des résultats préliminaires ont été obtenus avec la transplantation fécale dans l’hépatite alcoolique, mais restent à confirmer. Par ailleurs, il existe encore peu de données sur l’efficacité des probiotiques dans la MAF ». Quant aux antibiotiques non absorbables comme la rifaximine ou les fluoroquinolones, ils sont utilisés pour limiter la translocation bactérienne et prévenir l’encéphalopathie hépatique ou les infections d’ascite. Néanmoins, face au risque de développement de résistances, leur utilisation à long terme pose problème. « Traiter des souris avec un prébiotique, comme la pectine, protège leur foie de la toxicité de l’alcool, ajoute le Pr Perlemuter. Par ailleurs, nous venons de recevoir le financement pour une étude préliminaire chez l’homme, dans la MAF et l’addiction à l’alcool, qui testera un traitement par un cocktail de prébiotiques ». D’autres voies thérapeutiques sont à l’étude, comme la thérapie par les phages ou l’utilisation de métabolites bactériens « postbiotiques ».
D’après un entretien avec le Pr Gabriel Perlemuter, Hôpital Antoine Béclère (Clamart)
(1) Ciocan D et al. Microbiote et maladies du foie. EMC - Hépatologie 2021;0(0):1-9 [Article 7-005-A-18]
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