ILS SERAIENT 21 176 sans-domicile fixe franciliens ; 31 % souffrent d’un trouble psychiatrique sévère et 28,5 % d’au moins une addiction (le tabac pour plus de la moitié, l’alcool à 21 % et le cannabis à 16 %). « Toutes les personnes sans logement personnel ne sont pas atteintes de troubles mentaux ni de dépendance, c’est une population très diverse », commente Pierre Chauvin, directeur de recherche à l’INSERM, au regard de l’étude conduite auprès d’un échantillon de 840 SDF en 2009 à la demande de la préfecture et de la Mairie de Paris.
Sans être systématique, la maladie mentale est néanmoins très présente dans la rue. Les psychopathologies sévères touchent 13,2 % des SDF, notamment la schizophrénie (8,4 %) et les troubles anxieux (12,2 %), et accusent une prévalence de 8 à 10 fois supérieure qu’en population générale (1 % des Français). Les troubles de la personnalité (21 % des personnes sondées, contre 4,4 % en moyenne) et le risque suicidaire (13 % contre 4 %) sont également fortement surreprésentés. Tout comme les addictions, dont la fréquence est 3 à 5 fois plus importante.
Derrière ces chiffres quelque peu attendus, l’enquête SAMENTA a le mérite de dévoiler des situations de vie très diverses. « Les troubles psychiatriques graves précèdent souvent la perte du logement tandis que les troubles dépressifs et les addictions sont davantage la conséquence de conditions de vie difficiles », explique Pierre Chauvin. Les psychopathologies sévères concernent davantage des hommes d’âge mûr, nés en France, hébergés dans des centres d’urgence, au parcours de vie émaillé de drames. Ainsi, 34 % d’entre eux évoquent de graves disputes parentales, 20 % des fugues dans l’enfance, 12 % des placements ou/et des violences sexuelles.Les 2/3 ont déjà eu recours aux soins psychiatriques. « La maladie, avec ses épisodes bruyants et l’incapacité qu’elle entraîne chez le malade à répondre aux tâches nécessaires, provoque le rejet du voisinage et la mise à la rue », confirme Marie-Jeanne Guedj, psychiatre aux services des urgences psychiatriques de l’hôpital Sainte-Anne. En réaction, les auteurs de l’étude appellent les pouvoirs publics à expérimenter la politique du Housing First, « le logement d’abord », pour prévenir la désocialisation de ces malades, qui s’accompagne souvent d’une rupture de soins et de l’aggravation de leur état.
Tout autre est le profil des personnes souffrant d’anxiété ou de dépression : on y retrouve davantage de femmes immigrées avec enfants qui cherchent refuge dans des hôtels sociaux. Les facteurs de risque précédant sont peu répandus (6 % rapportent des fugues, 1 % des violences sexuelles, 2 % des placements). Leurs caractéristiques sont plutôt celles des populations précarisées qui résident dans des quartiers ouvriers ou des zones urbaines sensibles : difficulté à avoir un logement, problèmes financiers... « Pour ces SDF non-malades, il n’y a pas de rupture entre la pauvreté et la rue, c’est un gradient », analyse Pierre Chauvin. L’addiction en découle parfois : « C’est une image sociale, une carte d’identité pour le SDF qui boit pour s’intégrer », suggère Marie-Jeanne Guedj. À leur égard, une prise en charge dans des dispositifs d’hébergement et de réinsertion serait une solution à renforcer, estime Pierre Chauvin.
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