La distribution du médicament en France est administrée pour garantir l’accès aux médicaments prescrits à tous, partout et à temps : la sécurité sociale finance des stocks d’avance. Les ventes sont suivies, jour par jour, par patient, par officine, par hôpital, par vendeur en gros et par laboratoire. Lois et décrets fixent les prix d’achat aux laboratoires, les marges de gros et de détail. La majorité des habitants des pays développés ou émergents ne bénéficie pas d’une telle organisation.
Malgré cette osmose entre administration et opérateurs privés, les causes des pénuries restent brumeuses. Les récentes initiatives publiques sont restées sans effet. L’analyse des 28 actions mises à l’étude conduit à anticiper une aggravation des pénuries. Pourquoi ?
La feuille de route [présentée en juin par Agnès Buzyn, NDLR] comprend 28 annonces. 25 actions visent à fluidifier l’information sur les médicaments manquants et disponibles afin d’y accéder. Ces actions organiseront les échanges de données entre les établissements hospitaliers, les ARS, l’ANSM, les patients, les pharmaciens, les vendeurs en gros, et la mutualisation des stocks, sous la houlette du Ministère de la Santé.
Trois actions explorent des réponses spéculatives aux pénuries de médicaments :
Il est envisagé des incitations fiscales à la relocalisation d’usines en Europe. Or, il est contre-intuitif dans une économie mondialisée qui réussit la prouesse d’alimenter en flux tendus d’Asie tous les magasins en tout, qu’il faille relocaliser la production des seuls médicaments.
Il est promis plus de contrôles les stocks obligatoires des grossistes-répartiteurs et des sanctions plus sévères. Nul ne sait donc encore si les sept grossistes-répartiteurs qui détiennent 97,5 % du marché profitent de contrôles peu fréquents et de sanctions non dissuasives ?
Il existe deux causes politiques à la difficulté de supprimer les pénuries de médicaments.
Le droit des pharmacies de ne plus reverser à la sécurité sociale toute remise supplémentaire à l’achat de médicament et de la conserver coïncide avec le début des pénuries. Ce transfert de marge des vendeurs en gros au profit des pharmacies est un choix politique. Il affaiblit les grossistes-répartiteurs qui doivent financer les stocks d’avance des pharmacies et en même temps résister à l’avantage concurrentiel tarifaire déloyal des laboratoires qui vendent directement à leur clientèle. Les pénuries sont le dégât collatéral d’une compensation à la baisse des revenus des pharmacies du fait des génériques.
Il faut moderniser l’administration de la santé. Les acteurs publics appliquent des règles sanitaires et tarifaires dont ils méconnaissent les effets sur les entreprises et sur le marché. Aucun acteur n’est légitime ou bien outillé pour comprendre le fonctionnement micro-économique des vendeurs en gros. La distribution administrée confiée à de multiples baronnies, souvent des démembrements de l’État, devrait faire place à un régulateur appliquant les droits de la conformité et de la concurrence. Les entreprises internalisent des objectifs d’intérêt général et doivent agir pour les atteindre. Elles sont sévèrement sanctionnées si elles n’y parviennent pas. Le régulateur indépendant n’attend pas les crises, il agit ex ante.
Puissent les patients mécontents qui sont autant d’électeurs, susciter le désir politique d’introduire un régulateur du secteur pharmaceutique.
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