Les études épidémiologiques montrent un lien clair entre tabagisme (actif et passif) et risque de diabète de type 2 (DT2) : le risque relatif de DT2 est augmenté de 37 à 44 % chez les fumeurs par rapport aux non-fumeurs. « Cet effet diabétogène du tabagisme est probablement lié à une accumulation de graisse viscérale observée chez les fumeurs qui fait le lit du syndrome métabolique dans un contexte d’insulinorésistance », explique le Pr Vincent Durlach (diabétologue et tabacologue, CHU de Reims). L’équilibre glycémique du diabétique fumeur traité par insuline est plus instable, et le risque d’hypoglycémie augmenté, du fait d’une résorption retardée de l’insuline.
« De plus, le tabagisme majore, de manière dose-dépendante, l’incidence et la morbimortalité des complications macroangiopathiques (infarctus du myocarde, AVC, artériopathie des membres inférieurs) et microangiopathiques (néphropathie, rétinopathie), souligne-t-il. Ainsi, chez le diabétique de type 2, le tabagisme constitue le principal facteur de risque de mortalité, avant même l’HbA1c ou le LDL-cholestérol. »
Un besoin de formation au sevrage
Dans la perspective d’un prochain consensus d’experts, le groupe de travail « Tabagisme et diabète » de la Société francophone du diabète (SFD) a souhaité faire un sondage auprès des diabétologues afin d’évaluer leur niveau de connaissance et leur intérêt pour ce sujet. 225 spécialistes ont déjà répondu, majoritairement des femmes, en exercice hospitalier depuis plus de 15 ans. Les premiers résultats montrent que si, le recueil du tabagisme actif est fait dans 96 % des cas, en revanche celui du tabagisme passif n’ait pas forcément fait (77 % des cas). « On constate une faible connaissance du caractère diabétogène du tabac (29 %) et de la détérioration de l’équilibre glycémique qu’il provoque (33%) », fait remarquer le Pr Durlach. Le lien entre tabac et mortalité est connu (94 %), principalement en ce qui concerne les complications macroangiopathiques (96 %). Le lien avec les complications microangiopathiques l’est moins bien (64 %).
En revanche, seuls 47 % des diabétologues pensent que le tabagisme a autant d’importance que l’équilibre glycémique en cas de DT1 et 69 % en cas de DT2.
En ce qui concerne la prise en charge du sevrage, 88 % s’estiment insuffisamment compétents, en particulier par manque de formation (48 %) ou de temps (34 %). 88 % des diabétologues ayant répondu à l’enquête n’ont pas de personne formée au sevrage tabagique dans leur équipe, mais 72 % ont un correspondant tabacologue. Les principaux écueils au sevrage mentionnés par les diabétologues viendraient aussi des patients : 48 % pensent qu’ils sont réticents compte tenu des demandes multiples qui leurs sont faites, et 42 % qu’ils craignent la prise de poids. Au total, 60 % des diabétologues seraient intéressés par une formation pour eux-mêmes et 69 % pour un membre de leur équipe.
Lever les freins
« Ce sondage montre que les diabétologues ont globalement connaissance du risque majeur lié à la consommation tabagique mais qu’ils ne s’impliquent pas forcément dans le sevrage, par et manque de temps et/ou compétence. Or, il existe des DU ou DIU de tabacologie dans toute la France et d’autres membres de l’équipe peuvent se former. Les infirmiers et les kinésithérapeutes ont le droit de prescrire des substituts nicotiniques. Le prochain consensus d’experts va insister sur le fait qu’il y a des moyens de formation et qu’il est souhaitable qu’il y ait quelqu’un, dans une équipe diabétologique, de formé, à défaut, il faut au moins identifier un correspondant tabacologue et une filière de prise en charge », insiste le Pr Durlach.
Il n’existe actuellement que très peu d’études sur la stratégie spécifique de prise en charge thérapeutique du sevrage tabagique chez les DT2. Les recommandations sont les mêmes que pour le reste de la population, sans oublier les thérapies cognitivocomportementales, importantes chez ces patients plus volontiers dépressifs.
Quant au problème de la prise de poids, environ 70 % des patients auraient une prise de poids de l’ordre de 4 à 5 kg dans l’année qui suit le sevrage. « Mais 15 % d’entre eux ne grossissent pas, ceux qui sont bien accompagnés, traités pharmacologiquement et qui pratiquent une activité physique régulière et soutenue. Ce n’est pas inéluctable… Et, quand cela se produit, les diabétologues savent parfaitement gérer les fluctuations du poids et leurs conséquences (optimisation du traitement antidiabétique, etc.) », rappelle le Pr Durlach. Le bénéfice du sevrage tabagique chez le diabétique est bien supérieur à terme aux inconvénients d’une éventuelle prise de poids.
« La Fédération française des diabétiques [lire aussi p. 31], associée à notre groupe de travail, va également faire de ce sujet, un thème de communication prioritaire pour 2022 dans le domaine de la prévention (brochures, livret, articles, communications, etc.). Il y a urgence », souligne le Pr Durlach.
Exergue : « Le tabagisme constitue le principal facteur de risque de mortalité du diabétique de type 2, avant même l’HbA1c ou le LDL-cholestérol »
Entretien avec le Pr Vincent Durlach (diabétologue et tabacologue, CHU de Reims)
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