L’embryofœtopathie alcoolique est la conséquence directe de la neurotoxicité de l’alcool. Les dommages cérébraux et leurs conséquences varient notablement en fonction de la quantité, du moment et de la durée de la consommation d’alcool durant la grossesse, des consommations associées (tabac, médicaments, drogues illicites), des facteurs individuels de vulnérabilité et protection (état de santé de la mère, statut nutritionnel, patrimoine génétique). On parle d’« ensemble des troubles causés par l’alcoolisation fœtale (ETCAF) » (1 % des naissances) pour rendre compte des tableaux cliniques très différents en termes de sévérité des lésions et de conséquence du handicap. Le syndrome d’alcoolisation fœtale (SAF) est la partie émergée de l’iceberg (0,3 %). Ces anomalies persistent toute la vie.
À la naissance le SAF est diagnostiqué sur l’association d’un retard de croissance intra-utérin harmonieux, d’une microcéphalie, d’une dysmorphie (absence de filtrum, lèvre supérieure mince, microcéphalie, fentes palpébrales étroites) et de malformations d’organes inconstantes. À l’âge adulte la déficience intellectuelle moyenne ou profonde est au premier plan. La dysmorphie peut persister, de même que la maigreur et la petite taille. Les patients vivent le plus souvent en institution spécialisée.
Un handicap invisible
Les conséquences peuvent être moins sévères, avec, au premier plan, des troubles de la mémoire et des fonctions exécutives et des troubles psychocomportementaux responsables d’exclusion sociale. C’est un handicap invisible qui hypothéquera le devenir des patients leur vie durant. Dans ces cas les signes cliniques du SAF manquent et les troubles cognitifs et psycho-comportementaux sont au premier plan, conduisant bien souvent à des erreurs diagnostiques.
Les anomalies observées en imagerie dans le SAF sont très variables : atrophie cérébrale, agénésie du corps calleux, atrophies hippocampique et cérébelleuse. Dans l’ETCAF il y a un continuum entre ces lésions majeures jusqu’à l’absence de lésions visibles. En imagerie fonctionnelle, il existe une corrélation avec les troubles cognitifs observés.
Sur le plan neuropsychologique le niveau du quotient intellectuel va de la déficience intellectuelle profonde jusqu’au QI normal. Les troubles des fonctions exécutives avec QI normal hypothèquent lourdement le devenir des patients car ils sont souvent ignorés en tant que troubles cognitifs avérés secondaires à la cérébrolésion.
Le diagnostic d’ETCAF est souvent méconnu et les troubles sont alors attribués exclusivement aux carences psycho-affectives, éducationnelles ou sociales souvent associées.
À l’inverse le diagnostic peut être porté à tort alors qu’il s’agit de maladies génétiques rares (syndromes d’Aarskog, Cornelia deLange, Williams, etc.) ou d’exposition in utero à d’autres tératogènes (anticonvulsivants, toluéne, phénylcétonurie maternelle).
L’ETCAF ne met pas en jeu le pronostic vital et si les troubles sont définitifs, la gravité du handicap n’évolue pas avec le temps.
Si les conséquences du handicap s’aggravent ou s’améliorent, c’est le fait de la qualité des prises en charge médicale, sociale, affective et éducative.
Le traitement n’est que symptomatique. Des médicaments sont proposés pour le trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité, les troubles du comportement, les troubles mentaux et les troubles addictifs qui sont fréquents. Les thérapies comportementales, la remédiation cognitive, l’accompagnement éducatif et social sont toujours nécessaires.
CHRU de Lille
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