L’ÉTUDE SIGNÉE par Olivier Lucidarme et Damien du Cheyron (Saint-Lô et Caen) est le premier travail à montrer un lien direct entre un sevrage tabagique brutal imposé par l’hospitalisation en réanimation et une agitation.
L’arrêt de la ventilation assistée est une période compliquée. On réduit les sédatifs pour réveiller le patient et parvenir aux critères d’extubation, ce qui peut prendre plusieurs jours. Parfois, surviennent des états d’agitation et/ou de confusion, pouvant aller jusqu’au delirium. Jusque-là, on connaissait certains facteurs de risque de présenter ces états : infections sévères, HTA et alcoolisme. Le sevrage tabagique brutal dans ce contexte n’avait pas été étudié, même si l’on connaît bien les signes du manque chez un fumeur qui peuvent survenir lors d’une hospitalisation simple (selon l’imprégnation tabagique : nervosité, anxiété, agitation, confusion voire hallucinations). La littérature est pauvre : une étude a montré en 2000 que le tabagisme est un facteur de risque d’état confusionnel en réanimation. Et une étude (2007), rétrospective et aux résultats peu fiables, montrait que les substituts nicotiniques sont associés en réanimation à une surmortalité chez des fumeurs.
Première investigation prospective, le travail français publié dans « Critical Care » est une étude locale, menée à Caen et à Saint-Lô sur dix mois entre 2007 et 2008, où l’on a inclus les patients sous assistance respiratoire pendant plus de 48 heures, dont on connaissait le statut vis-à-vis du tabagisme. Les fumeurs ont été comparés aux non-fumeurs.
Le premier objectif était l’agitation, les objectifs secondaires étaient les incidents liés à cet état (auto-extubation, arrachage de cathéter central vasculaire et de la sonde gastrique ou urinaire), les infections nosocomiales, la durée de la ventilation assistée, la durée de séjour et la mortalité.
Ont été inclus 144 patients dont 44 fumeurs, admis en réanimation médicale, pour des raisons cardiologiques, pneumologiques ou des infections sévères. Le score de Fagerström moyen des fumeurs (indice de la dépendance tabagique) est à 5, c’est-à-dire que le groupe est partagé par moitié entre des individus à forte dépendance et à faible dépendance.
Risque d’auto-extubation et d’arrachage de sondes.
Les résultats montrent une proportion deux fois plus importante d’agitation chez les fumeurs que chez les non-fumeurs. Ainsi qu’une augmentation significative du risque d’auto-extubation et d’arrachage des sondes urinaires et gastriques en relation avec cet état. Il n’y a pas de différences entre les fumeurs et les non-fumeurs pour les autres critères. Et il n’y a pas chez les fumeurs d’augmentation de l’état confusionnel, seule l’agitation ressort, augmentant le recours aux sédatifs et à la contention physique.
Le tabagisme est fréquemment associé à un éthylisme chronique dans cette étude. Mais les traitements statistiques montrent que le tabagisme reste indépendamment associé à l’agitation.
Le travail ouvre la porte à des études prospectives randomisées visant à prévenir cet état d’agitation, notamment en utilisant un substitut nicotinique. Une étude multicentrique est en cours en France, pilotée par l’hôpital européen Georges-Pompidou. Débutée en février de cette année, elle est destinée à durer trois ans ; 600 patients dont 300 fumeurs vont être inclus.
Jusqu’à maintenant, il n’y a pas de recommandations des experts sur l’utilisation des patchs nicotiniques par les cliniciens en réanimation.
Critical Care, 9 avril 2010.
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024
La myologie, vers une nouvelle spécialité transversale ?