Malgré son omniprésence dans notre société, l’alcool reste mal appréhendé en termes sanitaires, conduisant à une absence de repérage systématique et généralisé de l’usage et à un sous-diagnostic des conduites d’alcoolisation et de leurs complications.
« Beaucoup de professionnels (de santé) pensent que l’alcool n’est une question légitime qu’aux stades avancés du trouble de l’usage d’alcool (addiction) », regrette la Haute Autorité de santé (HAS). Pour lever les résistances et améliorer le repérage et la prise en charge, elle publie ce 26 octobre des recommandations (guide, fiches outils, synthèse), après une saisine de la Direction générale de la santé (DGS).
En France, l’alcool est la substance psychoactive la plus consommée : 87 % des 18-75 ans sont concernés, tout comme 77 % des jeunes de 17 ans, qui sont près de la moitié d’entre eux à pratiquer le binge drinking (alcoolisation ponctuelle importante). L’alcool est aussi la première cause d’hospitalisation, la seconde de mortalité évitable et la seconde de cancer évitable. Sa consommation est impliquée « dans 30 % des accidents mortels de la route » et « dans 30 % des cas de violences (physiques, psychiques ou sexuelles) », est-il rappelé.
Malgré l'ampleur des conséquences, la réponse du système de santé est « insuffisante », tranche la HAS, qui rappelle que « la majorité des dommages causés par l’alcool concerne des personnes qui ne souffrent pas d’addiction à l’alcool ». Les consommations en quantités faibles à modérées, par exemple, ou les usages excessifs mais banalisés sont aussi en cause.
Repérer doit devenir un réflexe
La réduction des risques passe ainsi par « un repérage systématique, précoce, régulier de tous les usages et l’accompagnement de chaque personne, quelle que soit sa situation particulière », plaide l'agence sanitaire.
Les soignants de premier recours sont bien placés pour lever le tabou et ouvrir le dialogue « au rythme de la personne concernée sans dramatiser ni banaliser, sans nier ni juger les effets recherchés avec l’alcool et dans le respect des besoins et priorités de la personne qui peuvent être de nature psychologique ou sociale », est-il souligné.
Même en l’absence de signe d’alerte, aborder la question avec tous, tout au long de la vie, « de façon simple, systématique, non stigmatisante », participe de « l’évaluation globale et du suivi de l’état de santé de chacun », insiste la HAS.
Le repérage interventionnel, via la RPIB (repérage précoce et intervention brève), doit devenir un « réflexe », est-il encouragé. Les outils d’évaluation disponibles (repères de consommation, questionnaires Audit-C et Face) sont rappelés, ainsi que les principes de l’intervention brève : expliquer les risques et les repères de consommation, identifier les représentations et les attentes, expliquer les méthodes utilisables pour réduire le risque, proposer des objectifs et laisser le choix, tout en remettant une documentation et/ou des liens vers des ressources.
Appui sur un réseau de partenaires
L’accompagnement est à « coconstruire » avec « des actions adaptées aux objectifs ». L’enjeu est l’empowerment : « renforcer le pouvoir d’agir des personnes face à l’alcool et donc leur pouvoir de diminuer les risques pour elles-mêmes et leur entourage », est-il souligné.
Plusieurs registres d’action peuvent être entrepris : motivations et modalités d’usage, gestion du stress et des émotions, aide à la résolution des difficultés, soutien à la maîtrise de soi ou encore effets recherchés avec l'alcool et alternatives possibles. Des outils de la réduction des risques et des dommages, « comme la désignation d’un capitaine de soirée pour la conduite du retour par exemple », peuvent aussi être mobilisés.
La pair-aidance, notamment grâce aux associations, est à valoriser et à proposer, tout comme les centres de soins, d'accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA). Ce premier volet de recommandations sur l’alcool sera suivi en 2024 d’un deuxième dédié aux femmes et d’un troisième consacré aux plus jeunes en 2025.
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024
La myologie, vers une nouvelle spécialité transversale ?