LES ANGLO-SAXONS parlent d’« Adverse Chilhood Experience » (ACE). Disons « expériences négatives de l’enfance », à savoir enfants exposés à des événements stressants et/ou traumatisants.
Sous ce vocable on inclut : les sévices (émotionnels, physiques, sexuels), l’exposition à la violence domestique (mère battue), la séparation ou le divorce des parents ou le fait de grandir dans un foyer dont les membres sont atteints d’affections mentales, toxicomanes ou ont fait de la prison.
L’ACE Study, conduite aux États-Unis, a été mise en place pour évaluer les relations à long terme entre les ACE et toute une variété de problèmes de santé à l’âge adulte. Cette étude a montré une forte relation entre les événements stressants traumatiques de l’enfance et un tabagisme ultérieur (notamment un tabagisme précoce, à, partir de 14 ans) ; comme si le tabagisme, du fait de l’action psychoactive de la nicotine, était une sorte d’auto-traitement pour lutter contre les troubles affectifs.
Ces liens entre ACE et tabagisme ont conduit à se demander si les ACE pouvaient majorer le risque de cancer du poumon. D’où un nouveau travail signé David Brown et coll. et publié dans « BMC Public Helath ». Entre 1995 et 1997, on a collecté des données concernant la santé et l’exposition à des ACE auprès de 17 337 adultes. On a utilisé le score ACE (qui comporte 8 catégories d’ACE) pour évaluer l’exposition à des situations traumatisantes pendant l’enfance. Pour dénombrer les cancers du poumon, on a étudié les fiches de sortie de l’hôpital et les registres de décès.
Un risque multiplié par 3.
Résultats :
- on a observé une relation graduelle entre le score ACE et le tabagisme ;
- on a identifié 64 cas de cancer du poumon sur les fiches de sortie de l’hôpital et 111 sur les registres de décès ;
- on a constaté une relation graduelle entre les ACE et l’incidence du cancer du poumon ; par rapport aux sujets non exposés à un ACE, les personnes qui présentent 6 ACE ou plus ont un risque de cancer du poumon multiplié par 3. Par ailleurs, les sujets ayant 6 ACE ou plus déclaraient leur cancer du poumon 13 ans plus tôt que ceux qui ne présentaient pas d’ACE.
Cela dit, l’accroissement du risque de cancer du poumon était du en partie seulement au tabagisme. « La survenue de cancers du poumon liés aux ACE et non attribuables à un facteur causal intermédiaire, le tabagisme, suggère l’existence d’autres mécanismes par lesquels les événements traumatiques de l’enfance affectent négativement l’état de santé », indiquent les auteurs.
« Étant donné que les expériences stressantes et traumatiques de l’enfance contribuent à l’adoption de comportements délétères pour la santé, comme le tabagisme, et l’apparition de problèmes de santé, comme le décès par cancer du poumon, ces expositions dans l’enfance devraient être reconnues comme une cause de mortalité prématurée. Il faudrait considérer que la réduction du poids de ces ACE constitue un moyen de prévention primaire du cancer du poumon et d’autres maladies liées au tabac. De plus, étant donné que le tabac n’a pas complètement expliqué la relation entre ACE et survenue de cancers du poumon, il faudrait explorer d’autres voies physiopathologiques par lesquelles les ACE peuvent influencer le risque de cancer du poumon », concluent les auteurs.
David Brown et coll. BMC Public Health sous presse.
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